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Génocide arménien: Le jeu trouble de la France

Adresse au prochain président post sarkozyste de France. La politique des égards (1) «Il a fait deux séjours assez long…

By René Naba , in Arménie Diplomatie France , at 14 avril 2012

Adresse au prochain président post sarkozyste de France.
La politique des égards (1)

«Il a fait deux séjours assez long en France, où la cour dans l’idée qu’il deviendrait un jour un personnage important dans l’Empire, le traita parfaitement bien. Isaac Bey a perdu dans ses voyages, soit en France, soit en Russie, les qualité solides qui rendent les Ottomans recommandables et a contracté, à un haut degré, les défauts des Européens. Esprit d’intrigue, légèreté, inconsidération, corruption, tout ce qui caractérise essentiellement les sociétés de la Cour dans laquelle il était admis se fait singulièrement remarquer en lui». Dépêche du 1 er Messidor an III (19 juin 1795) de Verniac, Ambassadeur de France auprès de la Sublime porte, in «La vie de Pierre Rufin, orientaliste et diplomate (tome 1er)», par Henri Déhérain, conservateur de la Bibliothèque de l’Institut- Librairie orientale Paul Guethner – Paris 1929.

Il fut un temps où apprendre le turc, l’arabe ou le persan, c’est à dire les langues vernaculaires des peuples autochtones, constituait le dernier des raffinements. Bien avant la Révolution, Molière, à l’instar de Monsieur Jourdain, s’ouvrant par curiosité intellectuelle à la culture des autres, s’y était essayé avec son Mamamouchi au XVII me siècle, et, Voltaire, un siècle plus tard, avec Zadig, ce jeune babylonien (Irak) qui se hissera au symbole de la sagesse contrariée par l’injustice. Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc à l’époque pour savoir que la politique d’un pays est dictée par son histoire et sa géographie et qu’une diplomatie de bon voisinage est gage de prospérité.

François Ier (1494-1574) et Soliman Le Magnifique, surmonteront ainsi leurs récriminations réciproques sur le contentieux des Croisades, particulièrement le sac de Jérusalem (1099) et de Constantinople (1204), -«les pages honteuses de l’Occident chrétien», selon l’expression de l’historien Jacques Le Goff-, pour sceller une audacieuse alliance. Pris en tenaille entre l’Allemagne et l’Espagne, tous deux sous la couronne de Charles Quint (1550-1558), François Ier pactisera avec le chef de l’Empire ottoman, un infidèle, au grand scandale de la chrétienté d’alors, en vue de contrebalancer la puissance du saint Empire. Dans la même veine de son inspiration, il créera le «Collège des lecteurs royaux», précurseur du Collège de France et imposera l’enseignement de l’arabe, en1537, qui connaitra sa consécration cinquante ans plus tard par la création de la chaire d’arabe.

Louis XIV parachèvera son œuvre sur le plan culturel. Sous l’impulsion de Colbert désireux de mettre à la disposition des négociants français des interlocuteurs appropriés en Orient, le Roi Soleil fonde la section des langues orientales au Collège Louis le Grand. Colbert, l’auteur du si horrible «Code Noir de l’esclavage» qui sera publié après sa mort sous l’Edit de Mars 1695, décrétera «le privilège de la terre de France» et son pouvoir libératoire; une clause de sauvegarde qui permettait de satisfaire un triple objectif: l’affranchissement automatique des esclaves du seul fait de fouler le sol français, la consécration a priori de l’esclavage ans les possessions d’outre mer et la préservation des intérêts fondamentaux de la France par la mise en valeur de sa tradition d’hospitalité et de son bon renom dans le monde.

Sous la Révolution, la section des langues orientales du collège Louis le grand deviendra une institution autonome «l’Ecole des langues orientales». L’arabe, le turc et le persan y seront les premières langues enseignées. Le général Bonaparte en Egypte décrètera la politique des égards…à l’égard des indigènes. Non pas par tropisme arabo musulman, mais pour l’évidente raison que le respect d’autrui constitue la première forme de respect de soi. En un mot par un réalisme enrobé d’idéalisme qu’il considérera comme le meilleur gage de la pérennisation de son action.

François Ier le précurseur, Bonaparte, le successeur, percevront les dividendes de cette politique d’ouverture vers l’outre mer, deux siècles plus tard avec Jean François Champollion, l’un des plus illustres élève des «Langues O», décrypteur des hiéroglyphes égyptiennes, une découverte qui fera de l’Egypte, l’un des centres du rayonnement culturel français en Orient, un exemple de rentabilité opérationnelle, le fameux «retour sur investissement» du jargon moderne (2).

En stratège, le général corse, sans doute plus averti des subtilités géostratégiques de la Méditerranée, s’est borné à recentré la politique de son royal prédécesseur considérant que La Mecque et non Constantinople constituait le centre d’impulsion de la politique française de la zone. Se gardant de tout messianisme, il revendiquera pour la France la charge du domaine régalien, laissant aux autochtones la gestion de leurs propres affaires locales, en application de «la politique des égards», première expression politique de l’autogestion des territoires conquis. Son neveu, Napoléon III, caressera même le projet de fonder un «Grand Royaume Arabe» en Algérie. Cette évidence mettra deux siècles à s’imposer. Mais, entretemps, que d’humiliations, que de gâchis. Pour avoir méconnu ce principe, pour avoir renié ces propres principes, la France en paiera le prix.

Le ver dans le fruit

L’alliance entre François 1er et Soliman le Magnifique portait en germes les termes de la discorde. Le pacte des Capitulations, s’il prenait bien soin de recenser, en les récapitulant, les droits et devoirs des deux contractants, a constitué l’un des premiers des traités inégaux de l’histoire moderne en ce que le français bénéficiait du privilège de juridiction, le soustrayant à la justice de la sublime porte, tandis que l’ottoman était soumis à la loi commune du fait qu’il était déjà perçu comme la «tête de turc» du Français.

Terre d’asile, la fille aînée de l’Eglise accueillera les Arméniens rescapés du génocide turc, en 1915, mais, paradoxalement, gratifiera de son forfait la Turquie, leur éradicateur et ennemi de la France lors de la première guerre mondiale, en lui offrant sur un plateau Hatay, par amputation du District d’Alexandrette de la Syrie. Une opération qui s’est révélée être une aberration de l’esprit vraisemblablement unique dans l’histoire du monde, pathétique illustration d’une confusion mentale au nom de la préservation de prétendus intérêts supérieurs de la nation au détriment de la victime.

Dans cette perspective, la criminalisation de la négation du génocide arménien aurait été exonérée de tout soupçon électoraliste si elle ne s’était pas accompagnée de la prime à la forfaiture turque (Alexandrette), d’une coopération stratégique cinquantenaire franco-turque, y compris contre l’indépendance de l’Algérie et d’une hostilité résolue de la France à l’égard des deux grands protecteurs des Arméniens, l’Iran, voisin et allié de l’Arménie à travers les siècles, et la Syrie, qui abrite le grand mémorial des Arméniens à Deir Ez-Zor, le lieu de pèlerinage annuel de la diaspora, le 23 avril.

Protectrice des chrétiens d’Orient, elle a facilité l’accès de son territoire aux Libanais fuyant les ravages de la guerre civile (1975-1990), mais elle a, dans le temps institutionnalisé et instrumentalisé le confessionnalisme politique, au mépris du principe de la laïcité et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, un des principes fondateurs de la République française. Le montage confessionnel français aura été le déclencheur de cette guerre fratricide qui gangrène la vie publique nationale depuis l’indépendance du Liban il y a soixante dix ans avec des conséquences désastreuses sur la chrétienté arabe, particulièrement les Maronites, les alliés privilégiés de la France dans la zone.

Dans une inversion de tendance sans doute irréversible, le nombre des locuteurs francophones au Liban connu une baisse drastique au bénéfice de l’anglais, passant de 67 pour cent dans la décennie 1960 à 27 pour cent au début du nouveau millénaire, alors que l’exode des chrétiens du Liban atteignait un taux alarmant: 40 % des chrétiens libanais auraient quitté le pays depuis le début de la guerre, en 1975, quand bien même la diaspora déployée en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada), en Amérique latine, en Australie et en Afrique, a gardé des liens puissants avec la mère patrie. Dans le même ordre d’idée, la mise à l’index du président libanais Emile Lahoud, dans la foulée de l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri, en février 2005, le milliardaire libano saoudien ami du président français Jacques Chirac, a abouti à ostraciser l’unique dirigeant chrétien du Monde arabe. Un précédent lourd de conséquences pour l’avenir de la chrétienté arabe.

L’expédition franco-anglo-israélienne de Suez, en 1956, a abouti à un exode des chrétiens d’Egypte, la création d’Israël du fait occidental et la judaïsation rampante de la Palestine, un fort exode des chrétiens palestiniens, de même que l’implosion de l’Irak du fait américain, l’exode des chrétiens d’Irak.

Il n’est pas indifférent de noter à ce propos que les plus célèbres réfugiés politiques du Moyen Orient en France de l’époque contemporaine, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, guide de la révolution islamique iranienne, et l’ancien chef du gouvernement intérimaire libanais, le général Michel Aoun, chef du courant patriotique libanais, se soit retourné contre leur pays hôte à leur retour au pays natal.

La «déconcertante alliance» du Hezbollah et du général Michel Aoun, pour reprendre l’expression des analystes occidentaux, apparaît ainsi comme la résultante et la réplique de la «déconcertante attitude» des Occidentaux à l’égard des aspirations du monde arabe, particulièrement en ce qui concerne la Palestine et les Chrétiens d’orient. Une alliance d’autant plus impérieuse pour «préserver le caractère arabe» qu’elle a brisé stratégiquement le clivage confessionnel islamo chrétien de l’équation libanaise. L’adhésion à cette alliance du parti Tachnag, le plus important parti arménien de la diaspora, rejoint ces préoccupations, de même que les réticences du nouveau patriarche maronite à opter pour un alignement inconditionnel à la stratégie occidentale en terre arabe.

De la Grande Syrie à la Syrie mineure.

Près de 560.000 Arabes et Africains, Chrétiens et Musulmans ont volé au secours de la France durant la 1ère guerre mondiale, dont 73.OOO tués, autant pour la 2eme guerre mondiale, mais la France gratifiera en retour les Arabes d’ingratitude, deux fois en un même siècle, à Alexandrette (Syrie) d’abord, à Sétif (Algérie) ensuite, une récidive qui n’est nullement le fruit du hasard.

En Syrie, le projet français ne manquait pourtant ni d’audace ni de grandeur. La France se proposait de constituer une «Grande Syrie englobant Jérusalem Bethléem, Beyrouth, Damas, Alep, Van Diyarbakir, jusque même Mossoul, c’est à dire un territoire englobant la Syrie, une partie du Liban, de la Palestine, de la Turquie et de l’Irak. Les instructions du ministre français des Affaires étrangères Aristide Briand à Georges Picot, son consul général à Beyrouth étaient claires et ne souffraient la moindre ambigüité: «Que La Syrie ne soit pas un pays étriqué…Il lui faut une large frontière faisant d’elle une dépendance pouvant se suffire à elle-même», concluait la note en date du 2 novembre 1915 (3).

Face aux habiles négociateurs anglais, la Syrie du fait de la France et contrairement à ses promesses, a été réduite à sa portion congrue au prix d’une quadruple amputation, délestée non seulement de tous les territoires périphériques (Palestine, Liban, Turquie et Irak), mais également amputée dans son propre territoire national du district d’Alexandrette. Une trahison qui conduira le ministre syrien de la défense, Youssef Al Azmeh, en personne, à prendre les armes contre les Français pour la conjurer à Mayssaloune (1925), dans laquelle il périra ainsi que près de 400 des siens dans la bataille fondatrice de la conscience nationale syrienne.
Depuis lors la Syrie a tenu la dragée haute à la France s’opposant frontalement à toutes ses équipées en terre arabe, que cela soit en Algérie où elle sera le premier pays arabe à y dépêcher des volontaires auprès des «Fellaghas»; au Liban dont elle constituera le «verrou arabe» pendant un demi siècle. Au regard de la duplicité française et de la voracité turque, le parrainage franco turc obère ainsi quelque la crédibilité de l’opposition syrienne de l’extérieur dans sa contestation du régime baasiste.

L’erreur est humaine, mais pour un pays qui revendique une posture moralisatrice sa répétition est maléfique. Puissance continentale et maritime, bordée de surcroit sur son flanc sud de la rive musulmane de la méditerranée, la France tournera le dos à la vision novatrice de François Ier et de Bonaparte et optera au niveau de la sphère musulmane pour une diplomatie de la canonnière et une politique du cantonnement.

Héritière de Rome et de l’universalisme catholique, la France ne renouvellera pas l’Edit de Caracalla qui accorda aux hommes libres de l’Empire romain la qualité de citoyens romains. Comme si les héritiers de la Révolution française avaient voulu pénaliser les autochtones de leur condition d’opprimés. Elle s’en trouvera pénaliser à contrecoups.

Ainsi, en Algérie, en guise de «Grand Royaume Arabe» imaginé par Louis Napoléon, pieds noirs et pères blancs, les soldats laboureurs du Général Thomas Robert Bugeaud et les disciples du Cardinal Martial de Lavigerie se lanceront, de concert, dans une politique de conquête sur la base de la constitution de «colonies militaire» s’accompagnant de la destruction systématique des institutions musulmanes. L’Algérie sera même livrée aux colons par une politique d’assimilation qui assimilera tout, sauf l’indigène, le propriétaire authentique du pays, irrémédiablement rejeté dans sa condition subalterne par le «Code de l’Indigénat».
Pis, dans une projection hégémonique et égocentrique de sa représentation, comme une marque d’incompétence ou d’ingratitude, par une aberration de l’esprit sans dote unique dans l’histoire du monde, la France commettra le plus grand carnage de son histoire le jour même de la fête de la victoire alliée, le 8 mai 1945, noyant dans un bain de sang à Sétif, la première grande manifestation autonomiste algérienne. Sans le moindre égard pour le sacrifice qu’ils ont consenti lors de la II me Guerre mondiale.

Si la France se range de nos jours dans le camp de la démocratie, elle le doit certes aux «Croix Blanches» des cimetières américains de Normandie, mais aussi au sacrifice des quelques cinq cent mille combattants du Monde arabe et africain qui ont aidé la France à se libérer du joug nazi, alors qu’une large fraction de la population française pratiquait la collaboration avec l’ennemi. Cinq cent mille combattants pour la Première Guerre mondiale (1914-1918), autant sinon plus pour la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), il n’était pas question alors de pistage génétique, de «test ADN» ou de «seuil de tolérance».

Sous Sarkozy, un double camouflet retentissant à la Turquie

Barrer à la Turquie la voie de l’Europe au prétexte qu’elle n’est pas européenne gagnerait en crédibilité si cet argument fallacieux s’appliquait également à sa présence au sein de l’Otan, le pacte atlantique dont elle n’est nullement riveraine. Sceller une Union transméditerranéenne sur la base d’une division raciale du travail, «l’intelligence française et la main d’œuvre arabe», selon le schéma esquissé par Nicolas Sarkozy dans son discours de Tunis le 28 avril 2008, augurait mal de la viabilité d’un projet qui validait la permanence d’une posture raciste au sein de l’élite politico-médiatique française, une posture manifeste à travers les variations séculaires sur ce même thème opposant tantôt «la chair à canon» au «génie du commandement» forcément français lors de la première guerre Mondiale (1914-1918), tantôt «les idées» du génie français face au pétrole arabe» pour reprendre le slogan de la première crise pétrolière (1973): «Des idées, mais pas du pétrole».

Substituer de surcroît l’Iran à Israël comme le nouvel ennemi héréditaire des Arabes viserait à exonérer les Occidentaux de leur propre responsabilité dans la tragédie palestinienne, en banalisant la présence israélienne dans la zone au détriment du voisin millénaire des Arabes, l’Iran, dont le potentiel nucléaire est postérieur de soixante ans à la menace nucléaire israélienne et à la dépossession palestinienne.

L’Union pour la Méditerranée, mort née, est apparue comme un dérivatif, un leurre qui trahissait les véritables intentions des Occidentaux à l’égard d’un pays certes membre de l’alliance atlantique, mais musulman, en ce que les Européens voulaient bien de la Turquie en tant que force supplétive de l’Occident mais pas tant en tant que membre de plein droit de la famille européenne. Au ban de l’Europe mais pas au banc de l’Europe quand bien même jamais aucune puissance militaire musulmane n’avait été aussi loin dans sa collaboration avec l’Occident, nouant un partenariat stratégique avec Israël dans une alliance contre-nature conclue entre le premier Etat «génocidaire» du XX me siècle et les rescapés du génocide hitlérien.
Au-delà des constructions théoriques, le choix atlantiste de la Turquie reposait sur un pacte tacite conclu avec le camp occidental, fondé sur l’occultation de la responsabilité de la Turquie dans le génocide arménien en contrepartie de l’implication de ce pays de culture musulmane non seulement dans la défense du «Monde libre» face à l‘Union soviétique, mais aussi dans une alliance stratégique avec Israël contre le Monde arabe.

L’effet second de son adhésion à l’Otan répondait au souci des Etats-Unis de placer le contentieux gréco-turc, le binôme Athènes Constantinople, au delà le contentieux Islam-Chrétienté sous contrôle de l’Occident, en ce qu’Athènes constituait le berceau de la civilisation occidentale et Constantinople-Ankara, l’ultime empire musulman. Le déploiement de la Turquie sur la scène régionale du Moyen orient sur la base d’une diplomatie néo-ottomane véhiculée par un islam teinté de modernisme, en concurrence directe avec les intérêts des anciennes puissances coloniales, a conduit la France à se draper de son ancienne posture.
A l’épreuve des faits, la politique arabe de la France, dogme sacré s’il en est, s’est révélée être une vaste mystification, un argument de vente du complexe militaro-industriel français.
Alexandrette, Sétif mais aussi Suez: Dix ans après la fin de la 2me Guerre mondiale, en 1956, de concert avec Israël et la Grande Bretagne, la France se livrera à une «expédition punitive» contre le chef de file du nationalisme arabe, Nasser, coupable d’avoir voulu récupérer son unique richesse nationale «le Canal de Suez». Curieux attelage d’ailleurs que cette «équipée de Suez» entre des rescapés du génocide hitlérien (les Israéliens) et l’un de leur ancien bourreau, la France, qui aura sabordé sa flotte et sera sous Vichy l’antichambre des camps de la mort? Curieux attelage pour quel combat? Contre qui? Des Arabes? Ceux-là mêmes qui furent abondamment sollicités durant la Deuxième Guerre Mondiale pour vaincre le régime nazi, c’est-à-dire l’occupant des Français et le bourreau des Israéliens.

Véritable «porte-avions» américains en Méditerranée orientale, la Turquie a loyalement servi l’Occident, y compris la France, allant même jusqu’à se prononcer contre l’indépendance de l’Algérie, déniant, contre toute évidence, au combat des nationalistes algériens, le caractère de guerre de libération, allant même jusqu’à mettre à disposition de l’aviation israélienne ses bases militaires et son espace aérien pour l’entraînement de ses chasseurs-bombardiers en opération contre le monde arabe.

La mise en route du projet de loi sur la criminalisation de la négation du génocide hitlérien, si elle a paru répondre au premier chef à des considérations électoralistes, a eu pour première conséquence la rupture de la coopération entre les deux parrains essentiels de l’opposition syrienne, plaçant les deux pays artisans du démembrement de la Syrie en position de guerre larvée. Curieux retournement de vieux complices.

Le déclassement de la France dans la hiérarchie des puissances

Première puissance continentale de l’Europe, au début du XX me siècle, à un moment où l’Europe était le centre du monde, la France sera relégué au 9me rang des puissances mondiales à l’horizon de l’an 2017, dont la dégradation de sa notation économique de triple A à double A en est le signe précurseur.
Sans doute imputable à la montée en puissance des grands ensembles (Chine, Inde), à la perte de son empire, cette relégation est tout autant imputable aux déboires militaires français ininterrompus depuis plus d‘un siècle, de la défaite de Waterloo (1815) à la défaite de Fachoda, de l’expédition du Mexique (1861-1867) à l’expédition de Suez (1956), de la capitulation de Sedan (1870), à la capitulation de Montoire (1940à à la capitulation de Dien Bien Phu HU (1954), du coup de Trafalgar au sabordage de Toulon (1942), aux déboires économiques, du Crédit Lyonnais, d’Elf Aquitaine, à France Télécom, au Gan à Dexia, aux marchés d’Ile de France et aux frais de bouche, ainsi qu’à cette fameuse exception française qui fait qu’en un quart de siècles, la France aura perdu 40 pour cent de parts de marché au niveau du commerce mondial, entraînant la fermeture de 900 industries, une réduction drastique du nombre des ouvriers de 6 millions à 3,4 millions avec l’augmentation corrélative du nombre des chômeurs de l’ordre de 4 millions, l’un des plus élevés d’Europe. Sans la moindre remise en question, sans la moindre remise en cause.

Une décote qui sanctionne la perte de 40 pour cent de part de marchés en un quart de siècle et signe le déclassement de la France au rang des puissances moyennes, un niveau sensiblement équivalent à celui de la Turquie, nouvelle puissance régionale au Moyen Orient, en concurrence directe désormais avec la France. Un déclassement qui signe du même coup huit siècles après les capitulations de Soliman le Magnifique, la capitulation de la France dans la hiérarchie des puissances mondiales.

Sous la mandature Sarkozy, la France a ainsi asséné en moins d’une décennie à la Turquie deux camouflets majeurs: l’interdit européen et la criminalisation du génocide arménien. La Syrie, leur point de convergence et de connivence au XXème siècle, aura été leur point de percussion au XXIème siècle. Un résultat imputable à une politique de duplicité générée par une posture proto-fasciste inhérente à tout un pan de la société française, fondée, non sur une vision prospective, mais sur les présupposés idéologiques d’une classe politique compulsive animée d’une pensée convulsive.

Précurseur, la France l’a souvent été au cours de son histoire, mais cette spécificité nourrie d’une conception hiératique de l’universalisme de sa mission versera dans la spéciosité au point de devenir un mode de comportement. Aux chemins de crête qu’elle ambitionnait d’arpenter, elle substituera parfois les méandres fangeux des chemins tortueux, réduisant à néant les bénéfices de cette posture anticipatrice.

L’Occident, particulièrement le bloc atlantique, est redevable d’une part de sa victoire sur l’Union soviétique au Monde arabe et musulman dont il aura soutenu toutes les équipées même les plus aberrantes, compromettant ses intérêts à long terme, que cela soit contre l’empire soviétique, hier, contre l’Iran, aujourd’hui, quand bien même cet Occident-là aura été l’adversaire le plus implacable des aspirations nationales du Monde arabe depuis près d’un siècle, à Mayssaloune-Alexandrette (Syrie), à Sétif (Algérie), à Suez (Egypte), à Bizerte (Tunisie) et naturellement la Palestine, la plus importante opération de délocalisation de l’antisémitisme institutionnelle européen en terre arabe.

A la tête d’un état dégradé, expurgé toutefois des transfuges malfaisants, le prochain président post sarkozyste de France se devra d’être le président de la solidarité nationale et de la réconciliation post coloniale. A Alger, à Dakar voire même à Damas, et non le président des stocks options et d’un atlantisme fébrile au service du sionisme…. au Kurdistan, au sud Soudan, en Libye et à Gaza.

Références

1-La documentation Française/ Monde arabe- Machreq Maghreb, revue trimestrielle N°152 (Avril-Juin 1996) «La politique musulmane de la France» sous la direction d’Henry Laurens.

2-«Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français» René Naba Editions Harmattan. 2002.

3- Paris 2 novembre 1915 (Archives du ministère des affaires étrangères) Instructions d’Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères (1862-1932) à Georges Picot, consul de France à Beyrouth. Document publié dans «Atlas du Monde arabe géopolitique et société» par Philippe Fargues et Rafic Boustany, préface de Maxime Rodinson (Editions Bordas)

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