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Vade-mecum pour «Les Nuls» sur le printemps arabe à l’attention du nouveau président français

Manifeste pour en finir avec les lubies et les lobbies. Texte d’une intervention au colloque de L’IIP JHR et le…

Par : René Naba - dans : Actualités Analyse Editorial - le 24 mai 2017

Manifeste pour en finir avec les lubies et les lobbies.

Texte d’une intervention au colloque de L’IIP JHR et le GNRD (Global Network for Rights and Development) -Palais des Nations-Genève- Juin 2016 ayant pour thème : «Le déficit d’image de la démocratie dans la jeunesse arabe».

«Le vieux monde se meurt. Le nouveau est long à apparaître. C’est dans ce clair obscur que surgissent les monstres». -Antonio Gransci.

L’inculture, garant de la survie dynastique

Six ans après le déclenchement du «printemps arabe», Saad Hariri, Chef du clan saoudo américain au Liban et nouveau premier ministre du Liban, en quasi faillite, a dû céder ses actions dans l’Arab Bank, la plus grande banque arabe, à un consortium saoudo jordanien; la chaîne trans frontière Al Jazeera, jadis prescripteur de l’opinion au sein de l’hémisphère sud, enregistrait une chute vertigineuse de son audience ; le Prince Walid Ben Talal, le plus médiatique des princes wahhabites, était contraint à la fermeture de sa chaîne satellitaire «Al Arab» sur ordre de son cousin le Prince Mohamad Ben Salman, soucieux que la moindre ombre ne fasse ombrage à sa majesté, que le consortium Ben Laden, leader du marché de la construction et des Travaux publics au Royaume saoudien était mis en état de cessation de paiement pour cause de chute d’une grue dans l’enceinte du périmètre des lieux saint de la Mecque et que les faiseurs de guerre de Syrie et de Libye passait à la trappe de l’histoire dans une proportion de l’ampleur d’un hécatombe.

Pour aller plus loin sur ce sujet :

La promotion des anciens corsaires de la piraterie maritime de la «Côte des Pirates», les pétromonarchies du Golfe, au rang de Maîtres du Monde arabe par le camp atlantiste, passera à la postérité comme le symptôme d’une grave aberration mentale, contre productive, en même temps qu’une souillure morale indélébile à inscrire au passif du Monde occidental.

Si le Monde arabe en a lourdement pâti durant la séquence dite du «Printemps arabe», le Monde Occidental en pâtira par ses excroissances dégénératives par ses effets à long terme.

Il n’est pas facile d’être un jeune arabe, épris de démocratie à l’orée du IIe millénaire. Pas du tout évident.

Le Roi Salmane d’Arabie saoudite, promu Docteur Honoris Causa de l’Université du Caire, en avril 206, résume à lui seul le malaise arabe et le désabusement de sa jeunesse. Qu’un monarque, exclusivement formaté par le code tribal et l’école coranique, sans le moindre diplôme universitaire ou même scolaire, de surcroît belliqueux, irascible, autocratique, à la lucidité réduite, au delà de l’aspect caricatural de cette promotion, constitue une insulte à l’intelligence humaine, un contre-exemple à une jeunesse arabe avide de savoir.

Un chiffre résume le malaise de la jeunesse arabe, son découragement et partant le déficit d’image de la démocratie dans la jeunesse arabe : En quatre ans (de 2006 à 2009), soit près de cinq ans avant le soulèvement populaire arabe de l’hiver 2011, 2105 manifestations sociales ont été dénombrées. D’abord sectorielles, elles sont allées crescendo : 266 en 2006, 614 en 2007, puis 630 en 2008, 700 en 2009 pour englober les diverses composantes de la population, dans ses diverses déclinaisons politiques et religieuses.

2.500 manifestations (marche de protestation, grève de la faim, occupation d’usine) avant que la confrérie des Frères Musulmans, propulsés par les pétromonarchies arabes rétrogrades, avec le soutien de la grande démocratie américaine, ne rafle la mise tant au Caire, qu’à Tunis qu’à Tripoli, avant d’être à son tour évincée du pouvoir. «Le Printemps des peuples» s’est ainsi mu en «hiver islamique»

L’exemple vient de très haut. Et explique, non le déficit d’image, mais le déficit de l’idée même de démocratie dans la jeunesse arabe, tout bonnement car le savoir parait ne pas devoir être un besoin impératif dans le Monde arabe, à tout le moins pour ses dirigeants, à en juger par le niveau intellectuel du leadership politique arabe depuis près d’un siècle.

En quatre-vingt-huit ans d’existence, l’Arabie saoudite, chef de file du Monde arabe et musulman, le pays de passe-droit par excellence, a été gouvernée par sept monarques (Abdel Aziz, Saoud, Faysal, Khaled, Fahd, Abdallah, Salmane) mais, à une période charnière de l’histoire du monde arabe, à l’ère de l’optronique, de la balistique, du combat disséminé et de la furtivité de basse tension, aucun de ces monarques n’était détenteur d’un diplôme universitaire, tous formatés dans le même moule de la formation bédouine et de l’école coranique, à l’instar des autres pétromonarchies gérontocratie du Golfe.

Soit le tiers des membres de la Ligue Arabe et les deux tiers de la richesse nationale arabe, alors que la théocratie voisine iranienne a, d’ores et déjà, accédé au statut de puissance du seuil nucléaire.

À l’exception du Sultan Qabous d’Oman, la constellation des pétromonarchies du Golfe présente ainsi l’audacieuse configuration d’avoir été gouvernée tout au long du XXe siècle et les premières décennies du XXIe siècle par une brochette de dirigeants tous formatés dans le même moule du code tribal.

Zone stratégique majeure du système énergétique mondial, objet de tant de convoitises, face à un environnement dont la dangerosité potentielle est manifestée par le déploiement limitrophe de six puissances nucléaires (Inde, Pakistan, Israël, Ukraine, Russie et Iran), cette formation intellectuelle est sans doute valorisante pour l’amour propre tribal, certainement pas pour la sécurisation de son espace national.

Le modernisme tapageur tient lieu de substitut à un chauvinisme tribal et un archaïsme rance. La conduite automobile ne saurait être gage de modernité sous les tropiques monarchiques. Elle ne sert que d’alibi et de cache misère intellectuel à une caste repue.

L’esbroufe a toutefois un prix : Une servitude totale et absolue à l’égard des États-Unis, chef de file du camp occidental, premier producteur et exportateur de biens culturels à travers le Monde. La plus importante entreprise de colonisation culturelle de l’époque contemporaine.

Sur fond de rigorisme infantilisant, de confusion mentale, de mégalomanie, de sénilité, d’analphabétisme, de corruption et de veulerie, la pathologie du leadership arabe apparaît ainsi comme un des handicaps majeurs au décollage du Monde arabe. Si l’instabilité républicaine a été décriée pour ses coups d’états et ses coups de folie (37 putschs en 60 ans, soit 2 par an en moyenne, la cohorte monarchique n’en a pas été en reste.

Épaulés par des armées d’opérette, les pétro monarques ont pratiqué depuis cinquante ans le dérapage contrôlé sous l’œil vigilant de leur tuteur américain. Le putsch se réduit à un crime de sang intrafamilial. Il se décide lorsque le gouverneur en place déplaît à leur souverain absolu, le cappo di tutti cappi américain. Deux dirigeants arabes sont ainsi des parricides politiques, le Sultan Qabous d’Oman et l’Émir du Qatar, Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, tous deux situés dans le giron occidental et cités en exemple de démocratie.

La sacralité des dictatures monarchiques arabes

Même Hussein de Jordanie et Hassan II du Maroc, les deux piliers de la diplomatie souterraine pro-israélienne n’échapperont pas à l’opprobre, passant à la postérité comme les voltigeurs de pointe de la diplomatie occidentale et les partenaires occultes de la diplomatie souterraine israélo-arabe.

Hussein, chef de la dynastie Hachémite, et Hassan II, chef de la dynastie alaouite, auront été les deux seuls souverains arabes de la seconde moitié du XXe siècle diplômés des universités occidentales, chacun dans la filière coloniale de son pays.

Mais le savoir acquis au cours de leur cursus universitaire ne sera jamais affecté à la modernisation de leur royaume respectif mais à conforter leur archaïsme dans leur méthode de gouvernement et leur narcissisme dans leur projection médiatique occidentale.

La sauvegarde des pétromonarchies du Golfe, dont il sera longtemps le meilleur gendarme régional, ainsi que l’intégration israélienne au Moyen-Orient, ont valu au fondateur de la branche jordanienne de la dynastie, le Roi Abdallah 1er, d’être assassiné à Jérusalem même, dans l’enceinte de la Mosquée Al-Aqsa, signe indiscutable de la fureur qu’une telle famille inspirait à la population.

Quant Hassan II, en monarque absolu, il n’imposera aucune limite à son extravagance. Son Royaume des bagnes et de la terreur sera pourtant vanté comme le paradis sur terre, avec la complaisance de la cohorte des plumitifs français.

Le Maroc constituait, il est vrai, une pièce maîtresse du dispositif occidental contre le bloc communiste, tant en sa qualité de membre actif du Safari Club» en charge de la protection des dictateurs africains pro-occidentaux, que pour sa position, durant la guerre froide américano-soviétique (1945-1990), de base de repli au haut commandement politique et militaire français en cas d’invasion de Paris par les troupes communistes dans le cadre de la stratégie du «Stand Behind».

Quant aux bureaucraties militaires, un phénomène de captation s’est produit du fait du conflit avec Israël. L’État-nation s’est posé en incarnation de l’identité collective, puis, par réduction successive, par un phénomène de diglossie, ce fut au tour du parti unique puis du clan d’en être l’incarnation, avant de finir par être incarné par une personne.

L’épuisement du modèle de l’état rentier a débouché sur la transformation de la quasi-totalité des républiques arabes en dynasties familiales. Ce qui a entraîné un rétrécissement de l’offre politique, créant ainsi une source de mécontentement supplémentaire, sans la moindre perspective de promotion sociale ni de satisfaction internationale.

Le système éducatif en question

Dans le Monde arabe, particulièrement la zone du Golfe, le système éducatif repose sur le principe statique de la mémorisation, de la déclamation ou de la scansion, bannissant de l’enseignement la docimologie (la science qui apprécie les différents moyens de contrôle des connaissances), le génie kinesthésique (la capacité de se mouvoir d’une manière autonome et de maîtriser l’espace), les capacités intra psychiques (l’intuition et l’intelligence émotionnelle), l’agilité verbale et la logique mathématique.

L’enseignement aménage un «contenant de pensée, sans contenu de pensée», selon l’expression du philosophe libanais Roger Naba’a.

Dans ce contexte, l’enseignement de la philosophie plus particulièrement relève, à ce titre, d’un acte schizophrène se faisant sur fond d’une fracture radicale entre «l’espace de la classe» où l’élève s’exerce aux finalités de cet enseignement et «l’espace du social» (public ou privé) qui lui refuse obstinément les possibilités d’un tel exercice.

Pétromonarchies du Golfe et Wahhabisme, les deux handicaps majeurs de la sphère arabo musulmane

Le Monde arabe est captif des pétromonarchies et le Monde musulman, otage du wahhabisme ; un double handicap qui accentue la servitude de l’ensemble arabo musulman et le marginalise dans la gestion des affaires du Monde.

A- Les six pétromonarchies, adossées chacune à une base militaire occidentale, -en sus de la Jordanie et du Maroc, les deux alliés souterrains d’Israël, ainsi que des Comores, un confetti de l’empire français et Djibouti, qui abrite sur son sol une base américaine et une base française-, disposent d’une majorité de blocage régentant de ce fait le Monde arabe.

Ni les pétromonarchies du Golfe, ni la Jordanie, ni Djibouti ou les Comores n’ont mené une guerre de libération dont l’indépendance a été octroyée par leurs colonisateurs. Un déséquilibre structurel calamiteux pour la définition d’une stratégie du Monde arabe.

B- L’usage de l’arme du pétrole, lors de la guerre d’octobre 1973, n’avait pas pour fonction première de soutenir le combat des pays du champ de bataille (Égypte, Syrie, OLP, Liban), mais de financer indirectement l’effort de guerre américain au Vietnam en fragilisant les rivaux économiques des États Unis, le Japon et l’Union européenne, dépourvus tous les deux du pétrole.

C- L’usage de l’arme du pétrole, par le surenchérissement soudain des principautés du golfe, a entraîné un basculement géo stratégique du centre de gravité du monde arabe, de la rive républicaine de la Méditerranée vers les monarchies du Golfe, de la zone de pénurie populeuse et frondeuse vers la zone d’abondance ; Des pays du champ de bataille, qui ont tous mené des guerres d’indépendance vers une zone sous tutelle militaire occidentale.

D- Corrélativement, le mot d’ordre «Unité Arabe» a cédé la place au mot d’ordre de «Solidarité islamique», diluant ainsi la question palestinienne dans un ensemble plus vaste, polymorphe incluant les grands pays musulmans alliés stratégiques d’Israël : L’Iran du temps du chah d’Iran et la Turquie, le «Muslim de service» de l’Otan.

E- L’Instrumentalisation de l’Islam dans la guerre anti soviétique d’Afghanistan, dans la décennie 1980, a eu une double fonction :

  • Détourner le combat pour la Palestine et de le dérouter à 5.000 km du champ de bataille vers l’Afghanistan. Ni Al Qaida, ni plus récemment Daech n’ont jamais tiré un coup de feu en faveur de la Palestine ou contre Israël.
  • Imploser l’Union soviétique, le principal fournisseur en armes des pays du champ de bataille et de leur soutien, soit au total 8 pays (Égypte, Syrie, Irak, OLP, Algérie, Libye, Soudan, Somalie), plaçant ainsi le Monde arabe sous la coupe exclusive des États Unis, le protecteur d’Israël.

F- Le surplus de pétrodollars généré par l’usage de l’arme du pétrole a été affecté au financement du djihadisme planétaire (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie puis séquence dite du printemps arabe). Le recyclage des pétrodollars en faveur de la stratégie atlantiste apparaît rétrospectivement comme un cadeau compensatoire aux États Unis pour l’enrichissement soudain et excessif des Émirats. Le financement du djihad par les pétrodollars répondait au besoin d’un financement qui soit à la mesure d’une économie mondialisée, qui prenne le relais du financement par la drogue de l’effort de guerre américain au Vietnam.

G- Le printemps arabe est intervenu au terme d’une décennie calamiteuse de «guerre contre le terrorisme», matérialisée par les interventions américaines en Afghanistan (2001) et en Irak (2003), avec leur coûteuse répercussion sur les finances des États-Unis. La crise du système bancaire américain (2008) qui en a découlé a entraîné une perte de capitalisation boursière de l’ordre de 25 mille milliards de dollars. Cumulée avec la crise systémique de l’endettement européen, le carnage d’Oslo juillet 2011, carnage commis par un européen, dans un pays européen contre des européens, ont constitué un désaveu absolu à la «guerre contre le terrorisme».

Ce qu’il est convenu d’appeler «le printemps arabe» est en fait une guerre de prédation des économies arabes, avec le démembrement du Soudan, principal ravitailleur énergétique de la Chine, via le sud soudan, la désarticulation de la Libye, principal ravitailleur pétrolier de la Russie, et la neutralisation de la Syrie, l’allié permanent de la Russie et de la Chine dans le Monde arabe.

Cadeau compensatoire à la Turquie pour le refus de son admission au sein de l’Union européenne, la guerre de Syrie a constitué une guerre de substitution à l’Iran, en vue de briser les voies de ravitaillement stratégique du Hezbollah, dans le sud Liban, invincible à ce jour face à Israël.

Mais par sa proximité avec le théâtre européen, contrairement à l’Afghanistan, la guerre de Syrie menée par une coalition conte nature des «grandes démocraties occidentales» et les pétromonarchies les plus rétrogrades et les plus répressifs du monde, par ailleurs incubateur du djihadisme planétaire, a entraîné un effet boomerang sur le théâtre européen avec les interventions meurtrières des paumés de l’islam (Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche, les frères Kouachi et Amédy Coulibaly ainsi que les zombies criminogènes du massacre de Paris-Bataclan du 13 novembre 2015.

La guerre de Syrie, par les 4 veto opposés par la Russie et la Chine au Conseil de sécurité a mis terme à l’unilatéralisme occidental dans la gestion des affaires du Monde et favorisé l’émergence d’un Monde multipolaire avec la montée en puissance du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud).

Des dangers d’une lecture exclusivement occidentaliste de la réalité arabe

Au-delà des vives critiques fondées sur les tares du pouvoir syrien, la déstabilisation de la Syrie vise à compenser le basculement de Égypte dans le camp de la contestation arabe et à rompre la continuité stratégique entre les diverses composantes de l’axe de la résistance à l’hégémonie israélo-américaine en coupant les voies de ravitaillement du Hezbollah au sud Liban.

Gardons-nous d’une lecture occidentaliste des soulèvements dans le monde arabe. Si la critique est nécessaire pour le bon fonctionnement de la démocratie. Une pédagogie politique des peuples commande que la critique porte sur tous les aspects du problème, dont une lecture fractale pointera immanquablement les «tortuosités» du discours dominant occidental.

L’effet secondaire est de détourner l’attention sur la phagocytose de la Palestine par Israël avec la complicité des états occidentaux. Israël et la Syrie ne partagent pas le même intérêt. L’État hébreu cherche à constituer une ceinture d’états vassaux sur son pourtour, alose que la Syrie s’emploie à se dégager du nœud coulant glissé autour de son cou par la Turquie, Israël et la Jordanie en vue de la forcer à la reddition.

Deuxio : La Syrie et l’Irak constituaient les deux seuls états du Monde arabe animés d’une idéologie laïque. L’Irak a été démantelé par les Américains avec pour conséquence la constitution d’ une enclave autonome pro-israélienne dans le Kurdistan irakien, le schéma qui a préludé au démembrement du Soudan avec la constitution d’une enclave pro israélienne au sud Soudan, sur le parcours du NIL.

Tertio : La libre détermination des peuples est un droit sacré inaliénable. Cela doit s’appliquer en Syrie, comme en Palestine. Cautionner, en juillet 2011 à Paris, sous la houlette de Bernard-Henri Lévy, le fer de lance de la campagne médiatique pro-israélienne en Europe, la conférence de l’opposition syrienne, a discrédité les participants et jete un voile de suspicion sur leurs objectifs.

Quarto : La succession dynastique doit être prohibée. Mais ce principe doit s’appliquer sans exception à Bachar Al-Assad, certes, mais aussi à Saad Hariri, qui a succédé à son père Rafic Hariri, sans la moindre préparation, à la tête d’un pays situé à l’épicentre du Moyen orient. À Ali Bongo dont la France a truqué les élections pour favoriser sa propulsion à la tête de l’état gabonais. À Amine Gemayel, élu à l’ombre des blindés israéliens en remplacement de son frère assassiné Bachir, lui même élu à l’ombre des blindés israéliens. À Nicolas Sarkozy qui a veillé à propulser son fils Jean à la tête de l’EPAD (Hauts de Seine). À Hosni Moubarak qui se préparait à passer la main à son fils Jamal, avec la bénédiction des occidentaux dont Sarkozy saluera le courage de son départ, sans le moindre mot pour la courageuse lutte du peuple égyptien.

Cinquo : Faire le procès de la perte du Golan au régime syrien est un procès de mauvaise foi. La disproportion des forces est patente entre Israël, première puissance nucléaire du tiers monde, de surcroît inconditionnellement soutenue par les États-Unis, la première puissance militaire de l’époque contemporaine, face à un pays, la Syrie, objet de tentatives répétitives de déstabilisation particulièrement de la part de ses frères arabes.

Le coup d’état du colonel Salim Hatoum, en Syrie, financé par l’Arabie saoudite, est intervenue en 1966, en pleine phase de détournement des eaux du Jourdain par Israël et la révolte de Hamas en 1982 est intervenue en pleine préparation de l’invasion israélienne du Liban visant à installer le chef milicien phalangiste Bachir Gémayel au Pouvoir.

Sexto : Se placer sous l’égide la Turquie relève d’une tragique méconnaissance des réalités régionales lorsque l’on sait que la Turquie est le principal allié stratégique d’Israël pendant un demi-siècle, l’uni 6- La Russie, à l’épicentre de la zone des conflits du Moyen-orient

Une décennie calamiteuse s’est achevée marquée par la destruction des deux anciennes capitales de la conquête arabe, Bagdad, capitale de l’ancien empire abbasside, en 2003, Damas, ancienne capitale de l’empire Omeyyade, en 2013. Du fait de l’alliance de la dynastie wahhabite avec le bloc atlantiste. Sans le moindre profit, ni pour les Arabes, ni pour les Musulmans.

Il appartient aux Arabes, et non à l’Otan, de livrer leur propre bataille pour la Liberté et l’égalité. Pour la dignité et le pluralisme. Aux Arabes de s’opposer à toute dictature, républicaine qu’elle soit ou monarchique.

De rompre avec la logique de vassalité. De répudier la mentalité de supplétif. De garder présent à l’esprit le piège de Kaboul, le plus grand détournement de combat de la Palestine vers l’Afghanistan.
La Russie, que les commanditaires des djihadistes et de leurs suppôts djihadologues, rêvaient de bouter hors du Monde musulman d’Afghanistan, -de la Tchétchénie, à la Bosnie, à la Somalie, au Soudan et à la Libye-, se retrouve, 35 ans après le déclenchement de la guerre anti soviétique d’Afghanistan, à l’épicentre de la zone des conflits du Moyen-Orient, solidement implantée militairement au cœur historique du Monde arabe, la Syrie, à l’intercession des deux manches de la tenaille formée par la Turquie et Israël, qui enserre le Monde arabe depuis la période des guerres d’indépendance des pays arabes.

Par l’intervention directe et massive de son aviation dans le conflit syrien, la Russie a brisé le monopole des airs détenu depuis la fin de la IIe guerre Mondiale (1939-1945) par le duo israélo-américain. Une percée stratégique confortée par le retour en force de l’Iran, puissance du seuil nucléaire, en tant qu’acteur majeur de la scène régionale et rival idéologique de la dynastie wahhabite.

Le seuil critique

L’État-nation moderne a été une réponse aux défis des temps modernes, avec l’avènement de la révolution industrielle, l’invention du chemin de fer et les bateaux à vapeur et des armes modernes de plus en plus meurtrières.

Une nouvelle conception pris sa forme optimale dans un État rassemblant des dizaines de millions de gens, assez pour soutenir une économie industrielle moderne, pour défendre son territoire avec des armées de masse, pour développer une langue commune comme base de communication entre tous les citoyens.

L’Angleterre, l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande furent réunies de force pour former la Grande Bretagne, une nation suffisamment grande et forte pour conquérir une grande partie du monde. Les Français, les Bretons, les Provençaux, les Corses s’unirent pour constituer la France, s’enorgueillissant de leur langue commune.

L’Allemagne, entrée tardivement en scène, rassembla des douzaines de principautés et de royaumes souverains (Prussiens, Bavarois, Hambourgeois) pour former le nouveau Reich allemand en 1870 pratiquement sur le champ de bataille de la guerre franco prussienne.

Toutes ces nouvelles «nations» se lancèrent dans des conquêtes, mais avant tout elles «conquirent», pour l’annexer, leur propre passé. Philosophes, historiens, enseignants et hommes politiques se mirent tous activement à réécrire leur passé, transformant tout en histoire «nationale».

L’État-nation devint obsolète du fait de la mondialisation de l’économie, des alliances militaires supranationales, des communications planétaires et du changement climatique.

Des organisations supranationales tels l’Union Européenne et l’OTAN se sont ainsi substitués aux fonctions naguère assurées par des États-nations.

Par quatre fois en un siècle, le Monde arabe a perdu la bataille de la modernité et du décollage économique, perpétuant durablement sa sujétion :

  • Au XIXe siècle, sous Mohammad Ali, à l’époque de l’essor de l’industrie manufacturière.
  • Au moment de l’indépendance des pays arabes, à l’époque de la guerre froide soviéto américaine et des conflits inter-arabes subséquents à l’instrumentalisation de l’Islam comme arme de combat contre le nationalisme arabe.
  • Pendant le dernier quart du XXe siècle, à la faveur du boom pétrolier qui transforma précocement bon nombre de jeunes pétromonarchies en «état rentier» dispendieux.
  • Pendant la deuxième décennie du XXIe siècle lors du «printemps arabe» précocement muté en une glaciation absolue du fait de l’instrumentalisation du terrorisme djihadiste en arme pour la survie des monarchies décriées et déconsidérées

La caste intellectuelle arabe de la diaspora occidentale pâtit lourdement d’un phénomène de désorientation, la marque typique de l’acculturation, sur fond d’une décompression psychologique et d’une déperdition intellectuelle morale. Un naufrage humain.

La quête du savoir technologique et l’accession à la modernisation économique ne sauraient être compatibles avec un autoritarisme bureaucratique, monarchique ou républicain, qu’il soit.

De même la personnalisation du pouvoir ne saurait, à elle seule, servir de panacées à tous les maux de la société arabe, ni la déclamation tenir lieu de substitut à l’impérieuse nécessité d’une maîtrise de la complexité de la modernité.

Ce qui implique une nécessaire mais salutaire remise en cause de la «culture de gouvernement» dans les pays arabes.

Ce qui présuppose pour le pouvoir une refonte de ses pratiques, «une révolution dans la sphère culturelle», au sens où l’entend Jacques Berque, c’est à dire «l’action d’une société quand elle se cherche un sens et une expression».

Pour l’intellectuel, un réinvestissement du champ du débat par sa contribution à la production des valeurs et au développement de l’esprit critique. Pour le citoyen, la conquête de nouveaux espaces de liberté.

Pour le Monde arabe, la prise en compte de ses diverses composantes, notamment ses minorités culturelles et religieuses, et, surtout, dernière et non la moindre des conditions, le dépassement de ses divisions.

En un mot, une rupture avec la fatalité du déclin.

Sauf à se résoudre à un déclin irrémédiable, les pays arabes ne sauraient faire l’économie dune réflexion approfondie de leur approche stratégique des défis du monde contemporain, car le plus grand danger qui guette le Monde arabe au XXIe siècle sera, non la modernité, mais l’artifice de la modernité, l’amalgame entre modernité et archaïsme, et, sous couvert de synthèse, de mettre la modernité au service de l’archaïsme, mettre une technologie du XXIe siècle au service d’une idéologie passéiste pour le plus grand bénéfice des équipes dirigeantes, avec en prime le risque probable d’une plus grande régression arabe.

Sauf à entraîner le Monde arabe dans un déclin irrémédiable, une claire rupture avec la logique de la vassalité s’impose, alors que la scène internationale s’achemine vers un choc entre le leader en devenir (la Chine) et la puissance déclinante (États-Unis), impliquant une vaste redistribution des cartes géopolitiques à l’échelle planétaire.

La fonction d’un binational

La fonction d’un bi national n’est pas d’être le porte-voix de son pays d’accueil, ni son porte-serviette, mais d’assumer avec vigueur la fonction d’interface exigeant et critique. Un garde-fou à des débordements préjudiciables du pays d’origine et du pays d’accueil.

Dans l’intérêt bien compris des deux camps, le partenariat binational se doit de se faire, sur un pied d’égalité et non sur un rapport de subordination de l’ancien colonisé, le faisant apparaître comme le supplétif de son ancien colonisateur.

De la même manière, le devoir d’un intellectuel progressiste est de faire conjuguer Islam et progressisme et non de provoquer l’abdication intellectuelle des progressistes devant un islamisme basique, invariablement placé sous les fourches caudines israélo-américaines.

La plus grande erreur de l’Occident est d’avoir toujours voulu coexister avec des «Arabes domestiqués» dans la plus grande tradition coloniale.

L’histoire du Monde arabe abonde de ces exemples de «fusibles» magnifiés dans le «martyr», victimes sacrificielles d’une politique de puissance dont ils auront été, les partenaires jamais, les exécutants fidèles, toujours. Dans les périodes de bouleversement géostratégique, les dépassements de seuil ne sauraient se franchir dans le monde arabe sans déclencher des répliques punitives.
Il est des blessures qui s’ulcèrent avec le temps au lieu de se cicatriser. L’histoire est comptable des comportements désinvoltes lourds toutefois de servitudes futures.

Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui ruse avec ces principes est une civilisation moribonde (Aimé Césaire).

Il ne saurait y avoir de printemps arabe sans «printemps en Palestine», tout comme l’avènement d’une «Syrie nouvelle, sans Assad» présuppose l’avènement d’une «Arabie saoudite nouvelle, sans une dynastie obscurantiste et takfiriste». Et s’il n’y a «pas de printemps en Syrie», c’est tout bonnement parce qu’il n’y a «pas eu de printemps à Bahreïn».

Au vu des résultats catastrophiques du «printemps arabe», force est de déduire que trop d’interdit tue l’interdit. Cela concerne particulièrement les Frères Musulmans et autres salafistes affairistes.

L’enfouissement du corps et de l’esprit ne constituent pas la voie le meilleure pour le redressement du Monde arabe et la restauration de sa dignité. Toutes ces raisons -et biens d’autres- expliquent «le déficit d’image de la démocratie dans la jeunesse arabe».