Wednesday, December 11, 2024
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Nicolas Sarkozy à Alger, un rude apprentissage de la causticité algérienne

Après un tour de chauffe en juillet dernier, son premier déplacement hors Europe, Nicolas Sarkozy parait devoir faire le rude…

Par : René Naba - dans : Algérie Diplomatie France - le 3 décembre 2007

Après un tour de chauffe en juillet dernier, son premier déplacement hors Europe, Nicolas Sarkozy parait devoir faire le rude apprentissage de la causticité de ses interlocuteurs algériens, à l’occasion du voyage officiel qu’il fera du 3 au 5 décembre en Algérie.

Au delà des propos de circonstance sur la nécessaire refondation des relations franco-algériennes, une incantation rituelle depuis vingt ans, le nouveau président français devrait aussi prendre la mesure des rancoeurs suscitées par sa désinvolture à l’égard de la communauté musulmane en France et l’Islam en général, quand bien même il a été un des artisans majeurs de la promotion au sein de son gouvernement des «minorités visibles» (citoyens français d’origine arabe ou noire, de confession musulmanes), quand bien même il aura été l’initiateur de la création du Conseil du culte musulman de France, l’interlocuteur des pouvoirs publics pour les affaires musulmanes.

Nicolas Sarkozy est, avec son prédécesseur, Jacques Chirac (les bruits et les odeurs), et l’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi (supériorité de la civilisation chrétienne sur la musulmane), les trois seuls dirigeants occidentaux à avoir ouvertement tenu des propos à tonalité raciste à l’égard des Arabes et des Musulmans.

Son refus de la repentance à propos du passif colonial de la France, doublé des propos désobligeants tant en France qu’au sein des instances européennes -des moutons égorgés dans les baignoires, à la crainte de l’invasion musulmane de l’Europe par des immigrés son assimilables-, de même que le forcing déployé depuis Paris pour favoriser la venue en Algérie du chanteur originaire de Cosntantine Enrico Macias, réputé pour ses positions proisraéliennes, lui ont valu une volée de bois vert de la part des dirigeants algériens l’accusant d’être l’otage du lobby juif.

Procédé inhabituel dans les annales diplomatiques internationales, ces déclarations corrosives de membres du gouvernement algérien sont intervenues à quelques jours de la visite en Algérie de M. Sarkozy. Bien que désavouées par le président Abdel Aziz Bouteflika, elles n’en n’ont pas moins été interprétées comme un coup de semonce déguisé à l’égard d’un homme soupçonné d’avoir opéré un retournement complet de la diplomatie française en faveur des thèses atlantistes et proisraéliennes.

Premier partenaire commercial de l’Algérie, la France voit sa position grignotée régulièrement, tant par les Américains que par les nouveaux venus sur la scène arabe et africaine, la Chine notamment.
Son virage diplomatique, jugé à contretemps après les déboires américains en Afghanistan et en Irak, ne parait pas devoir inverser la tendance. En trois ans, l’Algérie, qui dispose de réserves de l’ordre de 100 milliards de dollars, a conclu une série de grands contrats, laissant à la France la portion congrue: 13 milliards pour l’autoroute est-ouest remporté par la Chine et le Japon, 10 milliards pour les chemins de fer (Turquie-Chine) et 20 milliards dans l’immobilier de luxe et le tourisme qui sont allés aux pétromonarchies arabes du Golfe.

Quant aux Américains, ils ont raflé le marché des hydrocarbures, en association avec les Chinois, à l’exception d’un complexe de vapocraquage d’éthane à Arzew, attribué à Total pour trois milliards de dollars.

Un grand marché aiguise l’appétit des entreprises françaises et son acquisition pourrait les consoler de leur éviction des grands contrats passés. L’édification d’une nouvelle ligne Morice aux frontières de l’Algérie.

Cinq groupes internationaux sont en compétition pour ce marché de 500 millions d’euros qui devrait être attribué en 2008: le groupement français Thales-CS Communication & Systemes, l’allemand EADS, le groupement espagnol Indra-Alcatel Espagne, le groupe italien Selex et l’américain Raytheon.

L’Algérie entend déployer un système de protection électronique sophistiqué sur l’ensemble de ses frontières terrestres et maritimes en vue de se protéger contre des incursions terroristes et anticiper d’éventuels conflits dans la région.

Au-delà de sa rivalité traditionnelle avec le Maroc, l’Algérie est en butte à l’hostilité de la Libye, le nouvel enfant chéri de l’Occident, que le Président Français s’apprête à accueillir en visite officielle dans la foulée de son séjour en Algérie.

Une sourde tension oppose en effet l’Algérie et la Libye à la suite des nouvelles découvertes minières, notamment de l’Uranium, dans la région frontalière algéro-libyenne.

Tripoli qui cherche à jouer un nouveau rôle en Afrique aux cotés de la France notamment dans la zone soudano-tchadienne du Darfour, réclamerait une nouvelle délimitation des frontières
Nicolas Sarkozy, affligé du désastreux épilogue de l’affaire de «l’Arche de Zoe », présentée comme une opération d’ingérence humanitaire en faveur de faux enfants du Darfour, parait devoir en ce mois Décembre 2007 se livrer à un difficile exercice d’équilibrisme diplomatique pour tenter de conserver son partenaire algérien, un des acteurs majeurs du Monde arabe et africain, et sa nouvelle amitié avec le trublion politique arabe, le colonel Kadhafi, porteur de promesse de fabuleux marchés lucratifs, notamment pour le nouvel avion de combat français «Le Rafale» jusque là invendu dans le Monde.

Difficile exercice d’équilibrisme diplomatique entre son atlantisme avéré et son projet d’union méditerranéenne, entre son amitié tonitruante pour Israël et sa conquête des marchés arabes

Comments


  • Commentaire sur la visite officielle de Nicolas Sarkozy en Algérie.

    Cet article qui fait le point sur le nouveau pas accompli par Nicolas Sarkozy lors de sa récente visite officielle à Alger rassemble assez judicieusement, me semble-t-il, les éléments épars qui constituent depuis de nombreuses années la politique menée par les dirigeants français dans leurs relations franco-algériennes, et incarnée, cette fois, avec plus de contradictions que jamais encore auparavant, par le nouveau chef d’Etat.
    C’est avec plaisir que j’ai lu les lignes sur les liens étroits qui unissaient les prpos tenus par les trois dirigeants occidentaux (Chirac, Berlusconi et Sarkozy) dans leur mépris de tonalité raciste à l’égard des Arabes et des Musulmans. Le rappel me paraît essentiel à un moment où l’on voudrait se plaire à faire croire que le prédécesseur de l’actuel dirigeant n’avait pas activement travaillé à la faveur de cette discrimination et qu’il avait au contraire favorisé l’entente universelle par des déclarations d’intention telles que la condamnation de l’esclavagisme, le repentir colonialiste, etc.
    Il est intéressant aussi de juger de la cohésion (pourtant assez difficilement détectable, en raison des manipulations de grands médias français) entre le ministre de l’Intérieur et des Cultes apparemment très attentif à la politique d’intégration et d’assimilation (qui « serait » fidèle à la tradition française) et le président d’aujourd’hui, explicitant enfin ses thèse libérales qui font de l’immigré « non choisi » un être non assimilable, ayant (pour reprendre les propos de son ministre de la chasse à l’immigré) vocation à retourner dans son pays d’origine.
    La promotion, au sein de son gouvernement, des « minorités visibles », la création du Conseil du Culte musulman de France, apparaissent enfin pour ce qu’elles sont : de manœuvres destinées à obtenir le silence, à travers quelques autorités, de grand pans de populations écrasées par le libéralisme avancé.
    Bien sûr, cette démarche, inscrite dans la foulée du discours de Dakar et la non repentance affichée par Nicolas Sarkozy, à propos du passif colonial de La France, ne pouvait qu’être un peu mieux révélé lors de cette visite officielle en Algérie (symbole, par « excellence », du colonialisme français). Le parti pris du président pour les thèses atlantistes et l’amitié tonitruante pour Israël finissent de nous convaincre sur choix opérés…
    Néanmoins, et heureusement, le nouveau commerçant de l’Elysée semble à travers cet article faire assez figure de polichinelle et ne pas apparaître comme vraiment crédible sur la scène internationale des marchés. A lire le défilé des contrats conclus par l’Algérie avec d’autres grands acteurs de la scène planétaire, la France se voit progressivement dépossédée de toutes ses anciennes prérogatives colonialistes en Algérie et de l’influence qu’elle y a exercée sans partage pendant plus de 130 ans.
    On comprend que Sarkozy préfère laisser accourir le vieux chef libyen Kadhafi…
    Jean-Pierre Quiviger

  • Merci de vos contributions

    Je n’ignore pas les aspetcs féconds de la coopération franco-algérienne opérées par capilarité par le maillage de la société civile.

    Mais le papier répondait à d’autres préoccupations: Pointer la stigmatisation permanente et systématique, quasi démagogique, du président d’un grand pays réputé pour ses ideaux de liberté, au point d’en faire une rente de situation, à l’encontre d’une composante non négligeable de la société française. Les Arabes et les Africains spécialement ceux de confession musulmane.

    Ce n’est pas le rôle d’un président. Le rôle d’un président est de favoriser la concorde nationale et non la division inter-communautaire.

    Si Nicolas Sarkozy peut présider un pays se rangeant dans le camp de la démocratie, Il le doit aussi au sacrifice des quelques cinq cent mille (bien cinq cent mille) combattants du Monde arabe et africain d’Afrique qui ont aidé la France à se libérer du joug nazi, alors qu’une large fraction de la population française pratiquait la collaboration avec l’ennemi.

    Cinq cent mille combattants, ce n’est pas rien. Il n’était pas alors question alors d’immigraiton choisie ou de seuil de tolérance, mais de sang à verser à profusion pour une guerre qui se présentait pour eux comme ‘ »une querelle de blanc ». Ils n’avaient rien à faire la dedans.

    Justifer le refus de se livrer à un « devoir de vérité » – les Algériens n’ont jamais parlé de repentance-, au pretexte qu’il y a avait des Français qui avaient aimé l’Algérie et qui y ont fait de belles choses, constitue une monstruosite, le summum de la mauvaise foi ou, plus grave, de l’ignorance;

    Primo: S’il est vrai que des Français ont aimé l’Algérie ils n’ont pas nécessairement aimé les Algériens. Pour preuve le Code de l’Indigenat qui s’est appliqué pendant cent ans à la population arabe, c’est à dire à la population originelle du pays. C e code la plaçait en etat de servilité avec interdiction de parler sa langue nationale. Du jamais vu dans l’histoire coloniale mondiale

    Deuxio: Certes les colons ont fait de belles choses en Algérie. D’abord pour eux mêmes, La population algérienne n’y a eu accés que d’une manière parcimonieuse aux réalisations françaises à l’époque coloniale. Seulement dix pour cent de la population algérienne (arabe et musulmane) a eu accés à l »instruction du temps de la colonisation. C’est vraiment peu.

    Quant aux belles réalisations: Tous les dictateurs comptent à leur actif de belles realisations. Hitler de même que Mussolini ont lancé de grands projets d’infrastructure, sans pour autant que leurs majestueux et mégalomaniaques travaux ne les exonèrent politiquement, moralement ou juridiquement de leurs méfaits. Ce dernier argument n’est donc pas recevable.

    Nicolas Sarkozy est l’homme poltitique français le plus detesté du monde arabe, après Guy Mollet, de sinistre mémoire, l’ancien premier ministre socialiste (1955-1956) l’ordonnateur de la répression algérienne via son proconsul Robert Lacoste, et le maître d’oeuvre de l’expédition de Suez contre Nasser.

    Ce record là est peu enviable et Nicolas Sarkozy aurait pu s’en dispenser.

  • Et si les relations algéro françaises étaient au contraires sur le point d’entrer sur une nouvelle ère ?
    Et si, justement les français d’origine algérienne, les algériens vivant en France et surtout, les bi-nationaux devenaient les interlocuteurs, les nouveaux, les vrais, de cette nouvelle époque ?
    car il existe aujourd’hui une vraie dynamique de coopération non gouvernementale.
    la décentralisation aidant, les villes, les agglomérations mais plus encore, les départements et les régions accompagnent des projets plus qu’intéressants : pour exemple, notons la collaboration entre les villes de Sétif et de Lyon pour la construction du tramway de Sétif, les programmes euro méditerranéens de la Région PACA…
    il existe aujourd’hui une population française composée de couples dit « mixtes ».
    les temps changent et nous entrons dans une aventure intéressante de co-développement.
    car, pour terminer, le chômage, la précarité, la redistribution des richesses sont des enjeux que les organisations non gouvernementales, les citoyens, les institutions locales prennent à bras le corps.
    votre article est bon. il me fait réagir ainsi en souhaitant que ces maigres informations apportent un cadrage complémentaire à vos lecteurs.
    bien sincèrement

  • Excellent article.
    Il fait bien de dénoncer comme vous le faites,ces pratiquent qui concourent à l’intolérance et à la haine gratuite de l’étranger dont la droite se fait l’écho avec un décomplexe inégalé.

  • Le commentaire de RN est tristement juste. J’ai beaucoup d’amis magrébins ( algériens et marocains) et tous, je dis bien tous me disent leur tristesse de voir notre pays dirigé par sa Majesté NS,  » qui a bien bruni  » ( ce n’est pas de moi ).

    Mais le papier répondait à d’autres préoccupations: Pointer la stigmatisation permanente et systématique, quasi démagogique, du président d’un grand pays réputé pour ses ideaux de liberté, au point d’en faire une rente de situation, à l’encontre d’une composante non négligeable de la société française. Les Arabes et les Africains spécialement ceux de confession musulmane.

    C’est vrai, RN a raison, mais le comportement de NS s’explique aussi et surtout par des considérations bassement électorales (FN).

    Je me demande aussi – à vrai dire j’en suis convaincu – si NS n’est pas tout simplement raciste, même s’il s’en défend. Par ailleurs, il ne connait pas la France et se fiche éperdument des valeurs défendues par notre pays. Tous les jours, son masque tombe, son vrai visage apparait; il préfere et de loin les riches, la COM, la façade,le people quand celà l’arrange,….

    Ce qui me terrifie, est que la moitié des français n’ont pas encore compris qu’elle était la vétitable nature de l’homme:

    – Un homme sans morale
    – Un homme que la fonction n’a pas grandit ( voir l’altercation avec les pécheurs dignes d’une cours de récréation )
    – Un menteur ( ce n’est pas le seul ) mais il a élévé le mensonge au grade de systême: privatisation de GDF et le reste..
    – Un homme qui divise (communautarisme contraire au fondement même de notre république) et qui est incapable de rassembler; son » ouverture » est un leurre.

    Voilà ce que je pense et ça ne me fait pas rire du tout.
    PS: un espoir peut être; je connais pas mal de monde, sarkosystes de la premiere heure, qui sont écoeurés.
    Alors, espérons….mais qui?

  • voici un article clair et précis de très grande qualité qui présente toute la problématique de la nouvelle politique étrangère, de mon point de vue déséquilibrée et incohérente de notre cher, très cher président.
    Je suis convaincu que nous ne somme pas au bout de nos (mauvaises) surprises, particulièrement en ce qui concerne l’évolution de la région Irak; pakistan, afganistan…

    Un mot sur le discours de Dakar.
    je fais partie de ceux qui ont détesté la partie « sur l’homme africain ».
    Cependant il faut faire la part des choses. Tout n’était pas mauvais dans ce discours. des amis africains le reconnaissent aussi. Je pense qu’il aurait été bien que notre président reconnaisse ce dérapage….car ça passe mal
    Cordialement

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