Tuesday, October 15, 2024
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L’Égypte dix ans après 1/3

Ce papier est publié à l’occasion du dixième anniversaire de l’arrivée au pouvoir du Maréchal Abdel Fattah Al Sissi, coïncidant…

Par : René Naba - dans : Flashbacks - le 10 juillet 2023

Ce papier est publié à l’occasion du dixième anniversaire de l’arrivée au pouvoir du Maréchal Abdel Fattah Al Sissi, coïncidant avec le 71ème anniversaire de la chute de la monarchie.

Atteint d’éléphantiasis, sous la présidence d’Hosni Moubarak, fonctionnant selon le mode d’une pyramide renversée, marchant sur sa tête et réfléchissant comme un pied, l’Égypte, sous la mandature d’Abdel Fattah Al Sissi, est devenue un géant sans tête, un sujet passif des relations internationales entrecoupé d’une éphémère séquence de l’islamiste Mohamad Morsi, qui a vu son rêve de califat se fracasser sous le poids de la réalité.

Retour sur cette séquence historique.

Hosni Moubarak ou La chute du dernier pharaon d’Égypte

1- Une société gangrénée.

En trente ans de pouvoir, le président égyptien  Hosni Moubarak a fait l’objet de quatorze tentatives d’assassinat, soit en moyenne un attentat tous les trente mois. L’homme s’est imaginé dès lors comme invincible, doté d’une sorte de Baraka surnaturelle, une immunité renforcée par le chœur des flatteurs occidentaux. En réalité, il était tout simplement en train de jouer à la roulette russe avec sa vie, son destin et celui de son pays, l’Égypte, longtemps pays phare du Moyen Orient.

Comme déboussolée, désorientée par l’aberration de ses dirigeants, l’Égypte post nassérienne a fait le douloureux apprentissage d’une servitude infiniment plus contraignante et méprisante que la servitude coloniale. Sous l’apparence de la souveraineté formelle, toutes les strates du pouvoir, et par répercussion, de l’ensemble de la société étaient, en fait, gangrenées. L’alliance contre nature avec l’ennemi officiel du Monde arabe la conduira, sous la contrainte, à procéder au démantèlement de tous les attributs de sa souveraineté et de sa puissance, ne lui épargnant ni les avanies, ni les infamies.

Que la contestation se soit produite Place Tahrir (haut lieu de la contestation anti coloniale), et Place Abdel Moneïm Riad (du nom du mythique commandant en chef égyptien, maître d’œuvre, sous Nasser, du plan de reconquête du Sinaï), donne la mesure du ressentiment populaire, de la persistance du sentiment nationaliste et de la détermination de ses contestataires.

Indifférent à la marche du monde, davantage préoccupé par la gestion de sa fortune personnelle (de l’ordre de quarante milliards) (1) soit l’équivalent du montant de la dette étrangère égyptienne, enfermé dans une logique de vassalité, Moubarak ne déviera jamais de sa trajectoire.

En quarante ans, pourtant, le Monde arabe a opéré un profond bouleversement: il passe de cent millions d’habitants en 1970 à plus de trois cent millions, en 2010 (dont quatre vingt quatre virgule cinq millions en Egypte, trente cinq virgule quatre millions en Algérie, trente deux virgule quatre millions au Maroc avec des taux de chômage record), plaçant ainsi les pays arabes en haut du classement mondial : l’Egypte au cent septième rang, le Maroc au cent neuvième, l’Algérie au cent dixième, la Jordanie au cent trente neuvième, la Tunisie au cent quarantième et le Yémen au cent quatre vingt cinquième rang.

Sous Moubarak, l’Égypte a marché sur sa tête et a réfléchi comme un pied, pyramide renversée de tant de reniements et de renoncements.

Misr Oum ad Dounia, l’Égypte, Mère du Monde, l’Égypte, dont l’histoire s’est longtemps confondue avec l’épopée, n’est plus que l’ombre d’elle-même, un pays méconnaissable qui a intériorisé sa défaite, voué au rôle peu glorieux de sous traitant de la diplomatie américaine sur le plan régional, de factotum des impératifs de sécurité d’Israël, le ventre mou du Monde arabe, son grand corps malade.

Placée au centre géographique du Monde arabe, à l’articulation de sa rive asiatique et de sa rive africaine, abritant la plus forte concentration industrielle dans une zone allant du sud de la Méditerranée aux confins de l’Inde, contrôlant de surcroît, de manière exclusive, les deux principaux axes de communication du Monde arabe, le Nil vers le continent africain, le Canal de Suez vers le Golfe pétrolier, l’Égypte a longtemps été le fer de lance du combat nationaliste arabe. Plaque tournante de la diplomatie arabe, elle a assumé sans relâche le rôle du grand frère protecteur, le régulateur de ses turbulences, le parrain de ses arrangements, comme ce fut le cas de l’accord libano palestinien du Caire, le 3 Novembre 1969, qui mit fin à la première guerre civile libano palestinienne, ou de l’accord jordano-palestinien, le 27 septembre 1970, dans la foulée du Septembre Noir jordanien.

Mais le plus grand pays arabe, longtemps cauchemar de l’Occident, s’est révélé sous Moubarak, un nain diplomatique, le pantin disloqué de la stratégie israélo américaine, curieuse mutation de ce pays en un demi siècle, de Nasser à Moubarak, illustration pathologique des dérives du Monde arabe, de la confusion mentale de ses dirigeants et de leur servilité à l’ordre occidental.

Le fer de lance du mouvement national arabe est désormais le voltigeur de pointe de menées israélo américaines au Moyen Orient; l’artisan de la première nationalisation victorieuse du tiers monde, la nationalisation du Canal de Suez (1956), le principal fournisseur énergétique d’Israël; le destructeur de la ligne Bar Lev (1973), la ligne de fortification israélienne dans le Sinaï, l’édificateur du mur d’enfermement des Palestiniens de Gaza.

Nasser est passé à la postérité pour avoir été l’homme du haut barrage d’Assouan, qu’il construira avec l’aide soviétique, bravant les foudres américaines pour nourrir son peuple. Moubarak sera l’homme du bas barrage, le vil barrage, qu’il édifiera par anticipation d’une requête israélo américaine visant à rendre hermétique le blocus de Gaza, détruite et affamée par les Israéliens.

Nasser, l’homme de la fermeture du Canal de Suez, en 1956, défiera le droit maritime international pour couper le ravitaillement énergétique de l’Occident coupable d’alignement pro israélien, Moubarak sera le ravitailleur énergétique d’Israël à des prix avantageux, dans une transaction apparue par sa coïncidence comme une prime à la destruction de l’enclave palestinienne de Gaza.

Nasser, le partenaire de la guerre d’indépendance de l’Algérie, assumera sans broncher les conséquences de son soutien à la révolution algérienne, une agression tripartite des puissances coloniales de l’époque (France, Grande Bretagne) et de leur poulain Israël, l’expédition punitive de Suez en novembre 1956. Moubarak revendiquera comme unique titre de gloire de son long règne, une piètre performance chauvine, le caillassage de footballeurs de l’équipe nationale d’Algérie (décembre 2009 – janvier 2010), son ancien partenaire du combat de libération national arabe.

Nasser a scandé le redressement arabe avec son légendaire cri de ralliement « ارفع رأسك يا أخي» Irfah Ra’sak Ya Akhi- Relève ta tête mon frère», Moubarak, lugubre, sera l’homme de la reptilité face aux oukases israéliens et américains. Quand le charisme de Nasser enflammait les foules de la planète bariolée au point de faire peser une menace d’implosion du Commonwealth britannique, dans la foulée de l’expédition de Suez, Moubarak détournait et déroutait les foules par son défaitisme et sa vassalité revendiquée, telle «la vache qui rit», le sobriquet emprunté à une marque de fromage pour le désigner, qui lui  a collé à la peau depuis le début de son règne pour souligner son cynisme faussement niais.

Nasser, enfin, avait pour interlocuteur des figures de légende: Chou en lai (Chine), Ho chi Minh (Vietnam), Nehru (Inde), Tito (Yougoslavie), Soekarno (Indonésie), De Gaulle, avec lequel il a procédé à la réconciliation franco-arabe à la suite de la rupture de Suez. Moubarak a eu pour partenaire Nicolas Sarkozy avec lequel il a lancé le projet mort né de l’Union Pour la Méditerranée.

2- Le syndrome de l’éléphantiasis diplomatique

Même dans le domaine privilégié de sa suprématie qui capta l’imaginaire et l’adhésion des foules pendant un demi-siècle, le domaine culturel, sa supériorité paraît battue en brèche. L’échec de l’Egypte à briguer le poste de Directeur général de l’Unesco, en Mai 2009, avec la candidature de son ministre de la culture Fouad Housni, malgré le soutien de son partenaire français et celui plus inattendu d’Israël, porte témoignage de ce désaveu.

Premier exportateur de vidéocassettes, de films et de téléfilms dans le Monde arabe, l’Egypte disposait d’un magistère culturel sans égal, s’articulant sur trois piliers: Le charisme de son chef, Nasser, sa brochette prestigieuse de vedettes de grand talent, Oum Kalsoum et Abdel Wahab, ses grands écrivains Taha Hussein, Naguib Mahfouz et le poète contestataire Cheikh Imam, Tahia Karioka et Nadia Gamal, sur le plan de l’industrie du divertissement et du spectacle, le tandem formé, enfin, sur le plan de la communication, par le journal Al-Ahram, le plus important quotidien arabe, et Radio le Caire, la doyenne des stations arabes.

Septième diffuseur international par l’importance de sa programmation radiophonique hebdomadaire, Radio le Caire émet en 32 langues couvrant un large spectre linguistique (Afar, Bambara, pachtoune, albanais). Il constituait un puissant vecteur de promotion des vues égyptiennes aux confins du quart monde. Mais son primat culturel pâtit désormais de la renaissance de Beyrouth, le point de fixation traumatique d’Israël, capitale culturelle frondeuse du Monde arabe, et de la fulgurante percée des chaînes transfrontières arabes, en particulier Al-Jazira, désormais indétrônable par son professionnalisme.

L’activisme diplomatique tardif déployé par le Caire ne modifiera en rien la cruauté du constat: la base arrière des principaux mouvements de Libération du Monde arabe et africain, de l’Algérie au Sud Yémen au Congo de Patrice Lumumba, le pays qui exorcisa le complexe d’infériorité militaire arabe vis à vis d’Israël, parait comme atteint d’éléphantiasis diplomatique, à en juger par son comportement honteusement frileux durant les deux dernières confrontations israélo-arabes, la guerre de destruction israélienne du Liban, en juillet 2006, et la guerre de destruction israélienne de Gaza, deux ans plus tard, en décembre 2008.

Son primat diplomatique est remis en question par l’émergence des deux puissances musulmanes régionales non arabes, l’Iran et la Turquie, dans la suppléance de la défaillance diplomatique arabe, principalement de l’Egypte et surtout de l’Arabie saoudite, mutique pendant les trois semaines de la destruction israélienne de Gaza (Décembre 2008-Janvier 2009). Il en est de même son primat militaire, relégué aux oubliettes par la relève rebelle des artisans victorieux de la nouvelle guerre asymétrique contre Israël, le chiite Hezbollah libanais et le sunnite Hamas palestinien, rendant obsolète la fausse querelle que tentent d’impulser l’Arabie Saoudite et l’Egypte entre les deux branches de l’Islam dans l’espace arabe.

L’entrée en jeu de la Turquie et du Brésil dans la mise en oeuvre du transfert du combustible nucléaire iranien vers son enrichissement dans les pays occidentaux, le 18 mai 2010, a accentué la déconfiture égyptienne en tant qu’acteur diplomatique de dimension régionale. Le tribut de sang payé deux semaines plus tard par la Turquie pour briser le blocus de Gaza par l’envoi d’une flottille humanitaire, en contraignant l’Egypte à ordonner sous la pression populaire la réouverture de terminal de Rafah et permis à la Turquie du fait de sa diplomatie néo-ottomane à ravir à l’Egypte et à l’Arabie saoudite, le leadership du monde sunnite traditionnellement dévolu à ces deux pays arabes.

Suprême infamie pour la diplomatie égyptienne, son échec dans un domaine qui constitue un de ses champs d’action privilégié: l’Afrique. La conférence des pays riverains du Nil, le 14 avril 2010, consacrée à la répartition des eaux de ce grand cours d‘eau africain entre sept riverains s’est soldée par un échec du fait de l’opposition de trois pays africains pro israéliens (Ethiopie, Kenya, Ouganda), hostiles au plan de partage des eaux du Nil, conçu en 1929 et reconduit en 1959. Plus grave et menaçant pour l’Egypte pour sa survie économique au point que plane le risque que l’Egypte perd de «la bataille du Nil», l’accord conclu à ce sujet un mois plus tard, le 18 mai à Entebbe, prévoyant la répartition des eaux du Nil entre les pays africains, excluant l’Egypte et le Soudan, avec la participation de la Tanzanie et l’Ethiopie, fer de lance des Etats Unis dans la corne de l’Afrique, alimenté par 58 pour cent des eaux du Nil bleu.

Le plus grand et le plus peuplé pays du monde arabe avec 80 millions d’habitants, est au bord de l’implosion sociale avec 34 % d’Egyptiens vivant en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de deux dollars par jour. Depuis le revirement pro américain du président Anouar el Sadate, en 1978, et son traité de paix avec Israël, il y a trente ans, l’Egypte fonctionnait sur un mode binôme, par une répartition des tâches entre le pouvoir politique géré par la bureaucratie militaire, alors que la gestion culturelle de la sphère civile était confiée au zèle de l’organisation des Frères Musulmans, dont le prosélytisme s’est matérialisé par le rétablissement du crime d’apostasie.

Sous la menace islamiste, l’Egypte a navigué ainsi entre corruption, régression économique et répression, avec 1,3 million de flics employés par le ministère de l’Intérieur et plusieurs milliers de prisonniers politiques, sous la férule d’une oligarchie dont sept membres, tous des milliardaires, occupent des postes clés au sein du gouvernement égyptien ou du parti au pouvoir le Parti National Démocratique, et cinquante pour cent du hit parade des cent premières fortunes égyptiennes appartiennent aux instances dirigeantes du pays, du jamais vu depuis l’époque monarchique.

La passivité égyptienne devant le bain de sang israélien à Gaza, sa léthargie diplomatique face à l’activisme des pays latino-américains (Venezuela, Bolivie, Nicaragua) et de l’Afrique du sud avec la rupture de leurs relations diplomatiques avec Israël a suscité une levée de boucliers des Frères Musulmans conduisant la confrérie à cesser toute opposition à la Syrie, rendant caduque sa collaboration avec l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, le transfuge baasiste réfugié à Paris.

Par un invraisemblable renversement d’alliance qui témoigne du strabisme stratégique de l’Egypte, c’est la Syrie, son ancien partenaire arabe dans la guerre d’indépendance, et non Israël, qui constitue désormais sa bête noire. C’est Gaza, à bord de l’apoplexie, qui est maintenu sous blocus et non Israël, ravitaillé en énergie à des prix avantageux, défiants toute concurrence, sans doute pour galvaniser la machine de guerre israélienne contre un pays sous occupation et sous perfusion, la Palestine.

Indice de sa servitude à l’égard des Etats-Unis, la moindre initiative de l’Egypte est tributaire du contreseing américain, que cela soit dans le domaine de la technologie nucléaire obtenu, en 2005, après que l’Iran se soit engagé dans la course atomique et afin d’y faire contrepoint, ou que cela soit dans le domaine diplomatique. L’Egypte bénéficie, il est vrai, d’une rente stratégique matérialisée par une aide américaine de trois milliards de dollars par an. Mais cette obole apparaît à bon nombre d’observateurs comme une sorte de denier de Judas, ne pouvant compenser aux yeux de l’opinion publique du tiers monde, le socle de la puissance diplomatique égyptienne, les effets dévastateurs de ce lymphatisme tant sur le plan du prestige international de l’Egypte qu’au plan de la sécurisation de l’espace national arabe.

Anouar el Sadate a récupéré le Sinaï mais marginalisé son pays par sa signature d’un traité de paix solitaire avec Israël (1979). Moubarak, lui, passera dans l’histoire pour avoir été le dirigeant égyptien sans la moindre action d’exploit à son actif, sinon de réintégrer son pays au sein Ligue arabe pour en faire une rente de situation à l’effet de cautionner toutes les interventions militaires américaines contre les pays arabes que cela soit lors de la première guerre du Golfe contre l’Irak, en 1990, ou encore treize ans plus tard, lors de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003 ou enfin en contre pied du Hezbollah libanais (2006) ou du Hamas palestinien(2008-2009).

Pis, la grande œuvre diplomatique du tandem franco-égyptien -l’Union Pour la Méditerranée- a tourné à la bérézina diplomatique absolue. Sa principale réalisation, la destruction d’un état membre (Gaza Palestine) par un autre état membre (Israël), sous le regard complice des deux pays fondateurs de l’organisation, a accentué le mur de méfiance entre arabes et européens, un résultat aux antipodes des objectifs de ses promoteurs.

Le cessez le feu unilatéral israélien dans la bande de Gaza conclu à la suite d’un arrangement entre deux gouvernements moribonds, le revanchard israélien Ehud Olmert mal remis de défaite face au Hezbollah libanais, en 2006, et le pantin américain George Bush, a retenti comme un cinglant camouflet tant pour le nouveau président américain Barack Obama que pour le médiateur égyptien que pour son alter ego français, le vibrionnant et inopérant co-président de l’Union pour la Méditerranée.

Le contournement de l’Egypte par ses deux partenaires du Traité de Paix de Camp David dans des arrangements de sécurité concernant l’enclave palestinienne qui lui est frontalière a cruellement mis à jour le rôle de servant -et non de partenaire- des états arabes au sein de la diplomatie occidentale.

Dans une quête désespérée d’une nouvelle respectabilité à l’intention de son bailleur de fonds américain, elle a participé à la construction d’un barrage contre Gaza, accueillant, en juin 2010, en grande pompe, le chef des milices chrétiennes libanaises, Samir Geagea, au bilan sanguinaire, infligeant dans le même temps une lourde peine de prison à trois combattants du Hezbollah libanais pour leur soutien à la lutte du peuple de Gaza.

Une telle disparité de traitement pénal entre Israéliens et Arabes, qui tranche avec le laxisme observé à l’égard d’un espion israélien, le druze Azzam Azzam, libéré après sept ans de détention en 2004, a achevé de ternir l’image de l’Egypte dans le quart monde.

L’Egypte est frappée du symptôme d’éléphantiasis, à l’image de son vieux Président (82 ans), un personnage au teint cireux, un personnage de cire, en voie de momification par près de trente ans d’un pouvoir autocratique schizophrénique, ultra répressif sur le plan interne, léthargique sur le plan international, cramponné à son siège dans l’attente d’une succession filiale, davantage préoccupé par sa succession biologique que de la pérennité de l’Egypte, un des plus anciens foyers de civilisation dans le Monde.

Au regard de l’histoire, le seul exploit de Mohamad Hosni Moubarak aura été sa longévité politique. Nasser a gouverné 18 ans décédant le 28 septembre 1970 d’une crise cardiaque au lendemain d’un sommet arabe consacré au Caire à la réconciliation jordano palestinienne, dans la foulée du septembre noir jordanien. Sadate a régné 11 ans, assassiné pour collusion avec Israël, l’ennemi officiel du Monde arabe, le 6 octobre 1981, lors du défilé célébrant la destruction de la ligne Bar Lev, premier exploit militaire égyptien de l’histoire contemporaine. Moubarak trône, lui, depuis trente ans, échappant à une vingtaine d’attentats, record mondial absolu de tous les temps.

Son exubérance matérielle, fruit de son alliance matrimoniale et financière avec les plus fortunés des plus grosses fortunes d’Egypte, tranchant avec la sobriété ascétique de Nasser, a catapulté la candidature de Mohamad al Baradéi au rang de nouveau sauveur du pays, secouant la léthargie ambiante d’une fin de règne crépusculaire.

Le surgissement de l’ancien Monsieur atome de l’ONU sur la scène politique égyptienne dans la foulée de ces deux événements a fait planer sur Moubarak le «syndrome du chah d’Iran», par référence à l’expérience de l’ancien souverain iranien, (1979), féal par excellence des Américains, décrété «obsolète» du jour au lendemain pour cause de réajustements stratégiques de son protecteur.

Le Pharaon d’Egypte est nu, dénudé par ses nouveaux alliés: le Primus inter pares des Arabes est désormais «le passeur des plats» officiel de la diplomatie israélo-américaine. Triste destin pour Le Caire, –Al-Qahira–, la victorieuse dans sa signification arabe, ravalée désormais au rang de chef de file de «l’axe de la modération arabe».

L’ancien chef de file du combat indépendantiste arabe, amorphe et atone, a assumé sans vergogne le rôle de chef de file de l’axe de la soumission et de la corruption … l’axe de la résignation et de la capitulation…l’axe de la trahison des idéaux du sursaut nassérien.

Sous Moubarak, l’Egypte a marché sur sa tête et pensé avec ses pieds, pyramide renversée de tous ses reniements.

Références

1-La fortune du Clan Moubarak

«La dictature rapporte au Moyen-Orient». Le quotidien britannique The Guardian affirme que le président égyptien, sa femme et leurs deux fils seraient à la tête d’une fortune estimée entre 40 et 70 milliards de dollars (soit entre 29,5 et 51,6 milliards d’euros). Une somme considérable qu’Hosni Moubarak aurait commencé à amasser bien avant d’accéder à la présidence en 1981.

Soit en 33 ans, un milliard de dollars par an en moyenne, une somme équivalente à l’aide américaine. Schéma identique à Mobutu dont la fortune personnelle dépassait la dette de son pays de même que le tunisien Zine El Abidine Ben Ali. Les Moubarak auraient été en mesure de s’enrichir ainsi par le biais d’un certain nombre de partenariats avec des entreprises étrangères, estime Christopher Davidson, professeur de politique au Moyen-Orient à l’Université de Durham en Angleterre. La loi égyptienne exige des entreprises étrangères qui souhaitent s’implanter en Egypte qu’elles créent une joint venture dont 51% des parts appartiennent à un partenaire local. Une loi allègrement détournée par la famille du Raïs en un système de corruption. Des propriétés à New York et à Rodéo Drive.

La chaîne de télévision australienne ABC NEWS indique quant à elle que Ala’, le fils aîné de Moubarak, aurait spéculé depuis les années 1980 sur la dette de son pays sur le marché financier international. Les bénéfices réalisés lui auraient permis d’acquérir des terrains militaires à des prix défiant toute concurrence qu’il revendait ensuite à des investisseurs. Une bonne partie de cette fortune serait déposée dans des banques suisses et britanniques ou investie dans de l’immobilier.

Le Raïs posséderait notamment des propriétés à New York, ainsi que sur la fameuse Rodéo Drive à Beverly Hills. Ce mode d’accumulation de richesses est commun aux autres leaders des pays du Golfe, assure Amaney Jamal, professeur en sciences politiques de l’université de Princeton. «C’est le modèle qu’appliquent d’autres dictatures du Moyen orient afin que leur richesse ne soit pas saisie au cours d’un changement de pouvoir», explique-t-il. Un véritable pillage des richesses dans un pays, qui figurait au 101e rang sur 169 sur l’indicateur du développement humain (IDH), où 40 pour cent de la population vit sous le seuil de pauvreté.

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© AFP – MOSTAFA EL-SHEMY / AFP