Thursday, October 31, 2024
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Israël-Palestine: Un massacre à huis clos pour un nettoyage par le vide

Le ciel israélien une passoire «Super gendarme des Etats Unis» pour le Moyen Orient et terreur de la zone pendant…

Par : René Naba - dans : Actualités Analyse - le 14 novembre 2023

  • Le ciel israélien une passoire
  • «Super gendarme des Etats Unis» pour le Moyen Orient et terreur de la zone pendant un demi siècle, Israël est désormais une fardeau pour la puissance américaine en phase de reflux.
  • Les normalisateurs arabes devraient s’interroger sur la pertinence de l’officialisation de leurs rapports avec Israël, un pays qui devait leur faire office de bouclier, dont l’espace aérien est désormais une passoire.

Ce papier est dédié à Wael Dahdouh, correspondant d’«Al Jazeera» à Gaza, dont l’épouse, deux de ses enfants et son petit fils ont été tués par les bombardements israéliens à Gaza.

La dédicace y associe les 34 journalistes palestiniens et libanais (1), tués par les Israéliens lors de la couverture de la guerre entre l’état hébreu et le mouvement islamiste palestinien, en octobre 2023, de même que Shireen Abu Akleh, correspondante de la chaîne qatariote en Cisjordanie, tuée en 2022, un an auparavant par un sniper israélien lors de sa couverture de l’assaut israélien contre le camp de Djenine.


Liste des journalistes arabes tués dans l’exercice de leur fonction, par les Israéliens lors de la guerre israélo-palestinienne d’Octobre 2023

In Memoriam

«Si longue et si noire que soit la nuit, il vient toujours une heure où enfin le jour se lève» – Omar Sangaré, écrivain sénégalais

Ci joint, au 29 octobre 2024, la liste non exhaustive des 34 journalistes arabes tués par les Israéliens lors de la guerre israélo-paestinienne d’octobre 2023. Cinquante institutions de presse ont, par ailleurs, été la cible des tirs israéliens.

  • Issam Abdallah, photopgraphe Reuter’s-Sud Liban
  • Mme Carmen Joukhadar, Al Jazeera- Liban
  • Mohamad Lafi, photographe AIN (Eye) Media, Gaza
  • Rusdi Al Sarraj, journaliste Ain (Eye) Media, Gaza
  • Mohamad Jarghouni, journaliste, Smart Média, Gaza
  • Mme Salam Mimat, journaliste, TV palestinienne «Al Aqsa», Gaza
  • Hassan Moubarak et Abdel Hadi Hassan, Chaine pédagoqique de l’UNRWA (office de secours des nations unies pour les réfugiés palestiniens), Gaza.

Enfin, deux dames journalistes blessées:

  • Carmen Joukahdar, Al Jazeera – Liban
  • Christia Assi AFP- Liban

Dans ce lot, Al Jazeera y paie le plus lourd tribut. La chaîne qatariote qui avait perdu jusqu’à près de 40 pour cent de son auditoire lors de la séquence dite du «printemps arabe» (2011-2020), passant du rôle envié de prescripteur de l’opinion arabe, à celui moins glorieux de lanceur d‘alerte des menées anti arabes de l’Otan, a retrouvé toute sa crédibilité à l’occasion de l’opération «déluge d’al Aqsa»

Pour aller plus loin, cf ces liens


Un massacre huis clos

La destruction systématique de la surface bâtie de Gaza engagée par l’armée israélienne en représailles à l’attaque massive du Hamas contre l’État Hébreu parait devoir répondre à deux objectifs sous-jacents:

– Restaurer la crédibilité de la dissuasion militaire israélienne malmenée par le mouvement islamiste palestinien, par des représailles massives sur la totalité de la bande, transformée pour la circonstance en polygone de tir permanent, avec, au delà de cette rage vindicative de laver cette humiliation, avec à l’arrière plan, le pari du premier ministre Benyamin Netanyahu que ce châtiment exemplaire atténuera quelque peu sa lourde responsabilité dans ce désastre militaire et diplomatique israélien et provoquera la clémence de ses juges.

-Rendre inhabitable et vider de sa population l’enclave palestinienne par l’anéantissement de son parc immobilier et de ses infrastructures, prélude à son annexion. Les autorités israéliennes ont dû mettre en sourdine ce projet initial face au tollé international qu’il a provoqué, particulièrement la ferme opposition de deux grands alliés arabes des États-Unis, l’Égypte et la Jordanie, deux signataires de traités de paix avec Israël, qui redouteraient les effets néfastes d’un tel exode massif sur l’équilibre démographique de leur pays.

Tel pourrait être le sens des opérations lancées sans discernement par l’armée israélienne, jadis réputée comme étant une «armée morale» par les laudateurs de l’état hébreu, n’épargnant rien ni personne, pas plus les lieux de culte que les hôpitaux, les civils que les femmes ou les enfants, voire même les journalistes.

N’était-ce la couverture d’ «Al Jazeera», qui y a payé un lourd tribut, ce massacre se déroulerait à huis clos.

Plaide en faveur de cette thèse, les antécédents historiques d’Israël et des États-Unis, au lourd passif en ce domaine, ainsi que la présence au sein du poste de commandement conjoint israélo-américain crée à l’occasion du «déluge d’Al Aqsa», d’officiers supérieurs américains du Centcom, l’organe régulateur de l’invasion américaine en Irak, en 2003, de sinistre mémoire pour ces faits d’armes à Falloujah, l’assaut contre ce bastion sunnite en 2004 et Kirkouk, en 2012-2O13.

Maillon intermédiaire entre l’Otan (atlantique) et l’Otase (Asie pacifique), le United States Central Command ou CENTCOM (littéralement «Commandement central des États-Unis») est l’un des onze «Unified combatant Command» dépendant, depuis le 1er janvier 1983, du département de la défense des Etats Unis. Il est responsable des opérations militaires des États-Unis au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud. Contrairement à d’autres «Unified combatant Command, le quartier général du CENTCOM ne se trouve pas dans son aire d’opération. Il se trouve à Macdill Air Force Base, à Tampa (Floride) même si un quartier général avancé pouvant abriter jusqu’à 10.000 personnes se trouve depuis 2003 sur la base aérienne de Al Oudeid au Qatar.

Parmi les principaux dirigeants du CENTCOM ont figuré le général Norman Schwarzkopf, le général David Petraeus, le général Tommy Franks, le général Anthony Zinni, le général John Abizaid, qui se sont tous distingués en Irak, ainsi que le général Lloyd Austin, l’actuel ministre de la défense des Etats Unis.

Un nettoyage par le vide

La volonté d’Israël d’expulser les Palestiniens de Gaza, à la suite de l’opération “Déluge d’Al Aqsa”, en octobre 2023, vers le Sinaï égyptien, en vue d’en faire une “patrie de substitution” à la Palestine remet en mémoire la politique constante des États-Unis d’extirper toute présence palestinienne des pays périphériques de l’Etat Hébreu.

Un plan similaire a été conçu par les États-Unis au Liban et confirme la permanence d’une politique constante des Etats Unis de provoquer le transfert de population comme mode de règlement de conflits.

L’invasion israélienne du Liban, en 1982 a entrainé le démantèlement du sanctuaire palestinien de Beyrouth et son transfert à Tunis, à 2.000 kms d’Israêl, donnant ainsi naissance au Hezbollah, le plus redoutable ennemi d’Israël.

Trente ans après, au début de la séquence dite du «printemps arabe», les Américains ont repris l’idée à l’échelle régionale, projetant d’éradiquer les camps de réfugiés non seulement du Liban mais de l’ensemble des pays limitrophes d’Israël, notamment la Syrie et le Liban.

Les camps palestiniens d’Irak ont ainsi été démantelés lors de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, et la population palestinienne expatriée vers l’Amérique latine. L’Amérique du Sud abrite désormais la plus importante diaspora palestinienne hors du Monde arabe, où vivent 550.000 Palestiniens environ, particulièrement au Chili, qui abrite 300.000 chiliens d’origine palestinienne, suivi du Brésil (70.000 personnes) et du Pérou. Les États-Unis envisagent d’en faire de même avec le grand camp palestinien d’Ein El Helwé, dans la banlieue de Saida, sud-Liban.

Mais ce qui était possible au temps de la colonisation occidentale de la planète, –l’éradication des Amérindiens d’Amérique du Nord et des Incas d’Amérique du sud–, voire même du temps de la colonisation sauvage de la Palestine, pourrait ne plus être possible au XXI me siècle.

Le monde occidental est aux prises avec un «effondrement moral» significatif face à la redistribution globale du pouvoir, lequel échappe désormais aux mains de la sphère euro-américaine.

Plus concrètement, «les peuples n’ont jamais oublié que la cause palestinienne et l’injustice faite aux Palestiniens étaient une source de mobilisation considérable. La question palestinienne reste pour les peuples arabes la mère des batailles», a fait valoir sur BFM TV, M. Dominique de Villepin, le plus lucide des hommes d’état occidentaux.

Face au «gouffre existentiel» créé en Israël par «l’horreur du 7 octobre», «nous sommes devant un gouffre géopolitique qui est l’absence de perspective face à une offensive terrestre massive», a estimé M. De Villepin. «Sur la scène internationale, il n’y a plus aucun garde-fou », a-t-il insisté, en soulignant que les États-Unis n’avaient pas les moyens de régler la crise comme par le passé.

Une approche cliopolitique, par référence à une séquence historique déterminée, dresse le constat suivant:

Lors de la guerre d’octobre 1973, Israël a fait face sur deux fronts, à l’Égypte, au sud, la Syrie, au Nord. Marquée par la destruction par les Egyptiens de la Ligne Bar Lev et le franchissement du Canal de Suez, ce «Mahdaline» (tremblement de terre) avait provoqué la démission du premier ministre israélien de l’époque Mme Golda Meir et son retrait de la vie politique israélienne.

Dix ans plus tard, l’invasion israélienne du Liban, en juin 1982, a provoqué le retrait définitif du premier ministre Menahim Begin de la vie politique israélienne, abusé par son ministre de la Défense Ariel Sharon sur les objectifs réels de cette guerre…Non «la paix en Galilée», mais le contrôle du pouvoir politique du Liban avec l’élection à la présidence de la République libanaise de l’homme lige des Israéliens, le chef phalangiste Bachir Gemayel, qui sera tué par une explosion avant sa prise de fonction.

En 2006, soit vingt ans après la guerre d’Octobre 1973, l’intervention d’Israël contre le Hezbollah a provoqué, elle aussi, la démission du premier ministre israélien Ehud Olmert et du chef de son aviation Dan Haloutz, incapables d’obtenir le désarmement de la formation paramilitaire chiite, malgré 33 Jours de bombardements aériens massifs contre les installations libanaises et la banlieue sud de Beyrouth, et la complicité du premier ministre sunnite libanais de l’époque, Fouad Siniora.

Selon toute vraisemblance, «déluge Al Aqsa» quelque soit son bilan, devrait se conclure par la comparution du premier ministre ultra droitier Benyamin Netanyahu devant une commission d’enquête pour ses responsabilités dans le désastre d’un pays, qui a longtemps jouit d’une réputation de posséder une des armées les plus performantes du Monde et d’un service de renseignement tout aussi performant.

Si en octobre 1973, Israël a combattu sur deux fronts, Égypte et Syrie, l’état hébreu, unique puissance atomique du Moyen Orient, bénéficie du puissant soutien des États-Unis en 2023: deux porte-avions américains, dix bâtiments d’escorte, 15.000 combattants près de 300 avions de combat ont été dirigés vers la zone du conflit pour épauler Israël dans sa guerre contre le Hamas, une formation paramilitaire, dont la zone d’action est limitée à une enclave sous blocus depuis quinze ans.

Depuis octobre 1973, Israël n’a plus jamais gagné aucune guerre dans toutes ses confrontations avec les arabes. Suprême infamie, l’état hébreu a été contraint de se retirer militairement du Liban sans avoir atteint les objectifs initiaux de sa guerre, opérant un retrait sans gloire, en 2000, sous les coups de boutoir du Hezbollah, première formation militaire arabe à avoir provoqué le dégagement militaire israélien sans négociation, ni traité de paix.

«Super gendarme des États-Unis» pour le Moyen Orient et terreur de la zone pendant un demi siècle, Israël est désormais une fardeau pour la puissance américaine en phase de reflux.

La viabilité d’Israël en question

La viabilité d’Israël se pose face aux perspectives démographiques de la population palestinienne. Israël a procédé à quatre élections législatives en deux ans, sans résultats concluants, symptomatique de la confusion dans laquelle baigne ce que les occidentalistes qualifie d’unique démocratie du Moyen Orient». Cette impasse politique intervient sur fond de prévisions pessimistes sur la viabilité de l’État hébreu.

Un rapport, publié en décembre 2016, par le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) indique que le nombre de personnes vivant à Gaza devrait plus que doubler au cours des 30 prochaines années. Intitulé «Palestine 2030 Changements démographiques: opportunités pour le développement»,le rapport examine les changements démographiques et les possibilités de développement dans l’ensemble des Territoires palestiniens occupés. L’étude du Fonds montre que des décennies d’occupation et de dépendance à l’aide étrangère ont entravé la croissance.

16,7 millions de Palestiniens vivront dans l‘ensemble grand Israël à l’horizon de 2050. Les taux de fécondité dans les Territoires palestiniens occupés sont deux fois plus élevés que ceux des pays les plus avancés de la région. Cette tendance devrait faire passer la population de 4,7 millions aujourd’hui à 6,9 millions de personnes en 2030 et à 9,5 millions en 2050.

Le taux de croissance démographique le plus élevé devrait se produire dans la bande de Gaza, où le rapport estime que la population aujourd’hui de 1,85 millions de personnes devrait passer à 3,1 millions en 2030 et à 4,7 millions en 2050.

En Israël, la population a atteint, en 2019, 9.136.000 habitants, dont 20.6 % d’Arabes israéliens (1.750.000 habitants, principalement musulmans, et une minorité chrétienne), selon le Bureau central des statistiques israélien. Arabes-Israéliens est un borborygme qui désigne dans la terminologie israélienne les Palestiniens, les habitants originels du pays de la Palestine du mandat britannique. Cisjordanie (9,5 millions) + Gaza (4,7 millions) + Palestiniens de l’intérieur (2,5 millions d’Arabes-israéliens), cela donnerait un total de 16, 7 millions de Palestiniens vivant dans l’ensemble du grand Israël.

Le précédent de la bataille de Seif al Qods de 2021

La pluie de roquettes palestiniennes qui s’est abattue sur les villes israéliennes, le 12 Mai 2021, –lors de la bataille de Seif Al Qods menée depuis Gaza le Hamas–, a fait date dans l’histoire du conflit israélo-palestinien par sa forte charge symbolique et son intensité, confirmant de manière indubitable la centralité de la question palestinienne dans la géopolitique du Moyen Orient, apportant au passage la démonstration que le ciel israélien est devenu une passoire devant des roquettes de fabrication artisanale, plaçant en porte à faux le leadership sunnite arabe à la suite de sa reptation collective devant l’État Hébreu.

Les normalisateurs arabes devraient s’interroger sur la pertinence de l’officialisation de leurs rapports avec Israël, un pays qui devait leur faire office de bouclier, dont l’espace aérien est désormais une passoire alors que se pose la question de sa viabilité

Pour aller plus loin
Illustration

Le journaliste Wael al-Dahdhou tient dans ses bras le corps d’un de ses enfants morts dans les frappes. MAJDI FATHI / AFP