Wednesday, December 11, 2024
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Rony Brauman, un curseur dans le domaine humanitaire

Paris. De la cohorte des idéalistes, opportunistes ou affairistes qui gravitent dans l’orbite de l’action humanitaire internationale, un homme se…

Par : René Naba - dans : Portrait - le 14 novembre 2009

Paris. De la cohorte des idéalistes, opportunistes ou affairistes qui gravitent dans l’orbite de l’action humanitaire internationale, un homme se distingue: Rony Brauman, un curseur dans le domaine humanitaire, tant pour son humanisme que pour son humanité…. que pour son urbanité.
Beaucoup voient en lui le parfait représentant du médecin urgentiste de l’intervention humanitaire auprès des peuples en désespérance. Sa profession, la médecine, est une vocation qu’il vit comme une mission, et, sa judaïté, il l’assume, naturellement, comme une donnée de la naissance dont il n’éprouve aucun besoin de justification, de compensation ou de surcompensation. Une éthique de vie qui l’oblige et non un argument de vente qu’il instrumentalise pour sa promotion médiatique.

Beaucoup voient en lui une antithèse du grand gourou de l’humanitarisme médiatique, Bernard Kouchner, que ses anciens compagnons de route socialistes qualifient charitablement d’«un tiers mondiste, deux tiers mondain», pour sa flamboyance et ses extravagances, grand bourgeois parisien qui se vit comme «doublement juif parce qu’à moitié juif», comme si l’identité était quantifiable, l’engagement humanitaire conditionné par sa rentabilité politique et la solidarité humaine prédéterminée par la discrimination des critères religieux ou sociaux.

Natif de Jérusalem, Rony Brauman n’en tire aucun argument de pouvoir, mais une exigence de fidélité aux valeurs de l’universalisme, du socialisme et de la solidarité avec les opprimés dont se réclame précisément l’humanisme. Rigoureux, cohérent, exigeant, dans un pays tétanisé par les remugles de la collaboration vichyste de la France et l’accusation inhérente d’antisémitisme qui pend inévitablement sur quiconque s’écarte de la doxa officielle, il signera, en Août 2006, un appel contre les frappes israéliennes au Liban, à l’appel de l’Union Juive Française Pour la Paix (UJFP).
Son combat pour un état palestinien constitue pour lui une évidence et non un handicap politique, élément d’un combat plus général en vue de l’instauration de la justice au Moyen orient. Briseur de tabous, non sans risque, il signera la postface de l’ouvrage non conformiste du politologue américain, Norman G. Finkelstein, fils de déportés, portant sur un sujet tabou s’il en est, «L’Industrie de l’Holocauste: réflexions sur la souffrance des Juifs». Il s’insurgera contre «l’humanitaire spectacle» à propos de l’affaire de l’arche de Zoé, l’exfiltration clandestine d’enfants tchadiens sous couvert du conflit du Darfour, le point de déploiement médiatique de Bernard Kouchner dont le ministre atlantiste des affaires étrangères en a abusivement fait usage comme contre feu médiatique aux guerres israéliennes de destruction du Liban (2006) et de Gaza (2008).

Sa vision de l’humain est simple non simpliste, dépouillée des présupposés idéologiques: L’urgence humanitaire s’applique à tous sans discrimination et s’impose à tous sans hésitation, comme un devoir à l’égard de toute souffrance quelle que soit la religion, l’ethnie ou le degré de richesse de la zone d’intervention, se plaçant, là aussi, à contre courant de son faux frère particulièrement motivé, mais non exclusivement, pour les minorités ethniques des zones pétrolifères, allant jusqu’à blanchir, contre toute évidence, la junte birmane de l’accusation d’esclavage des jeunes travailleurs dans un rapport commandité par la firme pétrolière française «Total».

La souffrance représente pour lui réalité humaine concrète et ne relève d’aucune construction intellectuelle, encore moins d’un tropisme occidental à l’égard de l’Islam, contrairement à la tendance dominante de l’intelligentsia parisienne qui conduira en France chaque notabilité intellectuelle à disposer de sa minorité protégée, comme la marque de la bonne conscience chronique de la mauvaise conscience, comme une sorte de compensation à son trop grand désintérêt pour les Palestiniens, compensant son hostilité aux revendications du noyau central de l’Islam, la Palestine et le Monde arabe, par un soutien à l’Islam périphérique: Il en est ainsi du philosophe André Glucksman pour les Tchétchènes, quand bien même son nouvel ami le président Nicolas Sarkozy, est devenu le meilleur ami occidental du président russe Vladimir Poutine; il en est de même de Bernard Henry Lévy, pour le Darfour, quand bien même son entreprise familiale est mentionnée dans la déforestation de la forêt africaine. Ill en est aussi et surtout de Bernard Kouchner, pour les Kurdes, ces supplétifs des américains dans l’invasion américaine d’Irak, pour le Darfour, le Biafra et la Birmanie.

Au point qu’un journaliste anglais Christopher Caldwell en déduira dans la prestigieuse revue London Review of Books que cette prédilection pour les zones pétrolifères stratégiques de «l’humanitarisme transfrontière de Bernard Kouchner asservit les intérêts de la politique étrangère française à ceux des Etats-Unis et que l’humanitarisme militarisé du transfuge néo sarkozyste n’est qu’une forme de néo conservatisme larvé».
«Humanitaire, diplomatie et droits de l’homme», le dernier ouvrage de Rony Brauman (Editions du Cygne) met en rapport les termes du débat contradictoire qui anime depuis près d’un demi siècle l’action humanitaire internationale, dont les deux anciens présidents de «Médecins Sans frontières», Rony Brauman et Bernard Kouchner, en ont alimenté la controverse à fronts renversés.
Mais, paradoxalement, celui qui devrait personnifier le mieux cette dualité, théoriquement complémentaire, celui qui devait par principe privilégier la diplomatie à double titre, au titre de médecin et au titre de chef de la diplomatie française, paraîtra constamment fasciner par les avantages d’un bellicisme purificateur, suscitant l’émotion de la communauté diplomatique internationale par des propos alarmistes sur l’Iran le 15 septembre 2007.

De retour d’une visite en Israël, et relayant sans doute les préoccupations de ses interlocuteurs, Bernard Kouchner, ce récidiviste en la matière, partisan auparavant d’une intervention musclée en Irak pour évincer Saddam Hussein, n’a pas écarté l’hypothèse d’une guerre contre l’Iran rejoignant en cela les thèses atlantistes de son nouveau mentor Nicolas Sarkozy, auteur d’une équation aussi sommaire que rudimentaire «la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran», seul dirigeant au Monde d’ailleurs à adopter ouvertement sur ce thème un lexique identique aux Israéliens, désignant Gaza de «Hamastan» et le Hezbollah libanais de «terroriste».
Toute honte bue, Kouchner n’hésitera pas, non plus, à revendiquer le bénéfice de la politique menée par son prédécesseur Dominique de Villepin, qu’il couvrait pourtant de sarcasme, pour son hostilité à l’invasion américaine de l’Irak.

Pis, à l’apogée de sa gloire ministérielle, au poste prestigieux de ministre des affaires étrangères de la France, Bernard Kouchner reniera ses idéaux de jeunesse et le combat de sa vie: «J’ai eu tort de demander ce secrétariat. Il y a contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France », dit-il dans le journal «Le Parisien» à propos de la création d’un pote de secrétariat aux droits de l’homme dans le premier gouvernement de la présidence Sarkozy et son attribution à Rama Yade.
« Cette contradiction peut être féconde, mais fallait-il lui donner un caractère gouvernemental en créant ce secrétariat d’Etat ? Je ne le crois plus et c’est une erreur de ma part de l’avoir proposé au président», ajoute le ministre soulignant dans cette interview en date du 10 décembre 2008, confessant qu’on « ne peut pas diriger la politique extérieure d’un pays uniquement en fonction des droits de l’homme ».
Cette déclaration de Bernard Kouchner a retenti comme un reniement, et par contrecoup, comme un désaveu de celui qui passe pour s‘être servi du combat pour la défense des Droits de l’homme comme un tremplin vers le pouvoir politique, et au delà vers le maroquin ministériel.

Dans le cas de Rony Brauman, ce risque là est inexistant. Partisan de l’ingérence sous sa forme pacifique à l’époque de la guerre froide, Rony Brauman en devient un critique constant lorsque celle-ci se transforme en justification d’invasions armées. Considérant que les mésaventures de l’Arche de Zoé sont plus un symptôme qu’une dérive, il soutient que toute forme de secours ou de solidarité ne relève pas nécessairement de l’humanitaire et toute action humanitaire n’est pas nécessairement bonne. Et Plutôt que d’asséner des principes ou réitérer des idéaux, Rony Brauman fait le choix de s’interroger sur les limites d’une forme d’action dans laquelle il reste engagé.

Une des rares personnalités à parler vrai en connaissance de cause, il n’a jamais brigué d’autres responsabilités qui ne relèvent de la médecine ou de l’humanitarisme, sans le moindre débordement sur le plan politique, sans la moindre tentation carriériste, sans le moindre soupçon d’affairisme, contrairement au «cosmopolite» Bernard Kouchner et ses contrats gabonais qui permirent au ministre français des affaires étrangères de cachetonner sans état d’âme pour une dictature corrompue (3).
En somme, le Fondateur de «Médecins Sans Frontières» et son successeur constituent les déclinaisons antinomiques d’un même brillant, celui qui démarque le clinquant fondateur de l’étincelant successeur.

René Naba | 14/11/2009 | Paris

Références

Rony Brauman

Humanitaire, diplomatie et droits de l’homme

Editions du Cygne
ISBN: 978-2-84924-152-3

Spécialisé en pathologie tropicale, de nationalité française, Rony Brauman est né le 19 juin 1950 à Jérusalem. Ancien président de Médecins sans frontières de France (de 1982 à 1994), il est lauréat du Prix de la Fondation Henri Dunant 1997. Coréalisateur avec le cinéaste israélien Eyan Sivan d’un documentaire (1999) sur le procès d’Adolf Eichmann (1961) dont le scénario est basé sur l’essai Eichmann in Jérusalem de la philosophe Hannah Arendt, il est l’auteur de plusieurs ouvrages notamment. Penser dans l’urgence : Parcours critique d’un humanitaire, Seuil, 2006 – entretien avec Catherine Portevin.

Éloge de la désobéissance (Le Pommier, 1999, document d’accompagnement du film intitulé Un spécialiste: portrait d’un criminel moderne, réalisé à partir des archives vidéo du procès d’Eichmann, avec le cinéaste Eyal Sivan), Les médias et l’humanitaire (avec René Backmann, Victoires, 1998), Devant le Mal. Rwanda, un génocide en direct, Arléa, 1994, Le crime humanitaire. Somalie. Arléa, 1993

2. «Kouchner ou l’ambiguïté à la française», Christopher Caldwell London Review of Books 1e Août 2009

3. «Le Monde selon K.» par Pierre Péan Fayard Février 2009

Comments


  • Comment peut-on donner la moindre crédibilité à ce koushNER qui confond oigours et yaourts !!!
    Pourquoi il continue à embrouiller le chaland avec son « moitié » donc « double ». KOUSH veut dire NOIR en hébreu. kousner veut donc dire éthiopien. Avec un peu de chance il serait originaire de la dynastie hymiarite cad un arabe du sud du yemen.
    Voilà un personnage qui ne s’assume pas. C’est bien pour cela que françois mitterrand a toujours refusé de lui donner le ministère des affaires étrangères.Il disait qu’il n’a pas la carrure pour le poste.

  • salam,

    Je n’ai rien de spécial à dire sinon un grand merci et chapeau à Mr Brauman. je ne partage pas absolument tout ce que dit Mr brauman(mais, j’en partage beaucoup, mais c’est vrai que cela fait vraiment plaisir qu’on ait un Tel Monsieur, un Tel Médecin et un TEL HOMME. Vraiment Chapeau MONSIEUR BRAUMAN Et bonne continuation. On est avec vous dans vos engagements et vos combats quoi qu’il advienne.

    Salam et longue vie

  • Bravo pour cet article qui tente de faire le court portrait d’un homme remarcle et considéré pour beaucoup comme le meilleur guide de la pensée humaniste. Je regrette toute fois que cet article ne se soit pas d’avantage attardé sur l’impact des activités de Rony Brauman dans le milieu de la solidarité internationale. Il plébicite une vision qui agit sur les stratégies d’intervention de la plupart des ONG françaises.

    Rappelons également qu’au nom d’MSF il reçut le prix nobel de la paix en décembre 1999 à Oslo.

    Je recommande également ses ouvrages que je suis ne train de lire.

    Bonne continuation René et je vous souhaite de tout coeur de continuer à écrire sur l’humanitaire.

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