Yémen : Le pied de nez de Ben Laden à ses anciens parrains
Ce papier est dédié à Georges Habbache, chef du Mouvement Nationaliste Arabe, puis du Front de Libération pour la Libération…
Ce papier est dédié à Georges Habbache, chef du Mouvement Nationaliste Arabe, puis du Front de Libération pour la Libération de la Palestine (FPLP), à Abdel Kawi Makkawi, son lieutenant à la tête du FLOSY (Front de Libération du Sud Yémen Occupé) et à Salem Robaye Ali (Salmine), Président de l’éphémère République du Sud Yémen, tombeurs du protectorat britannique d’Aden.
Paris, En phase éruptive au Sahel, en cours de réorganisation en Irak, Oussama Ben Laden vient de se replacer dans le jeu depuis la terre de ses ancêtres, le Yémen, adressant un magistral pied de nez à ses anciens parrains, dix ans après l’apocalyptique raid qu’il a commandité sur les symboles de l’hyper puissance américaine, s’implantant sur le flanc sud du royaume saoudien dans un combat retourné contre la dynastie wahhabite visant au premier chef à rétablir sa légitimité et à redorer son blason au sein du Monde arabe.
Houspillé pour sa fugitive disparition à la suite de l’invasion américaine de l’Afghanistan, en novembre 2001, à bord d’une moto conduite par son borgne compère, le Mollah Omar, chef des Talibans, le sous traitant émérite de la connivence saoudo américaine dans la guerre antisoviétique d’Afghanistan (1980-1989) s’est rappelé au bon souvenir de ses anciens bailleurs en faisant un retour signalé au Yémen, à tout le moins ses disciples, se replaçant en Arabie méridionale, à l’épicentre de la connexion arachnéenne du dispositif militaire et énergétique américain, en bordure de la veine jugulaire du système énergétique mondial, à l’intersection des voies des communications maritimes internationales.
La «guerre oubliée du Yémen» n’est pas si oubliée que cela, en tout cas pas par tout le monde à en juger par ses multiples protagonistes et l’imposant dispositif militaire déployé à sa périphérie. Et, dans la perspective du fin de la mission de combat américain en Irak, fin août 2010, ce pays qui fut le champ d’affrontement égypto saoudien dans la décennie 1960, pourrait redevenir, par tribus interposées, le terrain de confrontation des nouvelles puissances régionales, l’Iran, d’une part, l’Arabie saoudite soutenue par les Etats-Unis d’autre part.
“Quiconque atteindra la suprématie maritime dans l’océan Indien serait un joueur important sur la scène internationale”, soutenait déjà au siècle dernier le Contre-amiral Alfred Thayus Mahan (1840-1914), géostratège de la Marine des États-Unis, soulignant par là le véritable enjeu stratégique de la nouvelle guerre du Yémen. Le repositionnement du chef d’Al Qaida a été opéré dans cette optique là. Situé à la pointe sud-ouest de la péninsule arabique, frontalier de l’Arabie saoudite au Nord, et du Sultanat d’Oman, à l’Est, le Yémen possède une façade maritime d’une longueur de 1 906 km de côtes, faisant la jonction entre la Méditerranée et l’Océan indien via le canal de Suez et le Golfe arabo-persique. Jamais colonisé, ce pays, placé selon son étymologie à droite sur le chemin du pèlerinage de la Mecque, couvre une surface de 527 970 km², soit presque autant que la France. Via ses trois îles, –Kamran, Perrin, et Socotra— il commande l’accès à la mer Rouge par le détroit de Bab el-Mandeb, et l’île de Socotra (la plus grande des îles) dans l’océan Indien. Signe de l’importance stratégique de la zone, le Royaume Uni, du temps du protectorat britannique sur l’Arabie du sud, avait fait du port d’Aden, la grande ville du sud Yémen, la place forte de la présence britannique à l’Est de Suez pour la sécurisation de la route des Indes.
Une zone de non droit absolu, la piraterie maritime dans la Corne de l’Afrique
La militarisation des voies maritimes figure d’ailleurs parmi les objectifs de Washington dans cette zone de non droit absolu qui relie la Méditerranée à l’Asie du Sud-est et à l’Extrême-Orient par le canal de Suez, la mer Rouge et le golfe d’Aden. Une base aéronavale américaine à Socotra pourrait être édifiée en vue de superviser le mouvement des navires du golfe d’Aden, dont des bâtiments de guerre, et contribuer à la lutte contre la piraterie maritime, corrosive pour l’image de l’Occident dans le tiers monde. A lui seul, le Golfe d’Aden représente 660 000 kilomètres carrés, mais la zone de rayonnement des pirates s’étend désormais jusqu’aux Seychelles, soit deux millions de km2. Les côtes somaliennes courent sur 3700 kilomètres, relevant de trois Etats, mais le plus souvent hors de toute juridiction. Vingt mille navires empruntent cette autoroute maritime chaque année, transportant le tiers du ravitaillement énergétique de l’Europe. L’Ethiopie, pays africain non musulman, a été désigné par les Etats-Unis pour faire office de «gendarme régional» dans la Corne de l’Afrique, à l’instar d’Israël pour le Proche orient. Mais l’échec de l’Ethiopie à mater la rébellion du régime des tribunaux islamiques a conduit l’alliance occidentale à mettre en place un dispositif de lutte contre la piraterie maritime s’articulant sur trois volets Etats-Unis, Union européenne et Otan.
En 2009, 168 actes de piraterie ont été recensés, dont douze navires et deux cents cinquante otages détenus sur la côte somalienne au 1er décembre dernier. Le dispositif international est déployé depuis Djibouti (Golfe d’Aden) et les Seychelles (sud océan Indien), qui constituent les principales bases de soutien des opérations maritimes et aériennes d’anti-piraterie. Une vingtaine de bâtiments de guerre croisent en permanence dans le Golfe d’Aden et patrouillent le long des côtes somaliennes, au titre des opérations suivantes:
• l’EUNAVFOR («Atalanta»), lancée par l’Union européenne en décembre 2008, à l’initiative de la France et de l’Espagne.
• la TF 150, à l’origine, une «task force» multinationale à dominante américaine effectuant de l’antiterrorisme (Enduring freedom, Antiterror)
• Ocean Field, une force navale provisoire de l’Otan, prélevée sur des groupes en manoeuvre dans l’océan Indien.
Ce dispositif ne tient pas compte des unités détachées par les marines nationales des Etats-Unis, Russie, Inde, France, Chine, Egypte, Australie et Malaisie pour des missions limitées.Couloir maritime majeur reliant le Moyen-Orient, l’Asie de l’Est et l’Afrique avec l’Europe et le continent américain, l’Océan indien possède quatre voies d’accès cruciales facilitant le commerce maritime international, qui constituent autant de «goulots d’étranglement» pour le commerce mondial du pétrole, à savoir le canal de Suez en Égypte, Bâb el-Mandeb (longeant Djibouti et le Yémen), le détroit d’Ormuz (longeant l’Iran et le sultanat d’Oman) et le détroit de Malacca (longeant l’Indonésie et la Malaisie).
Dans ce périmètre hautement stratégique, les Etats Unis ont procédé au plus important déploiement militaire hors du territoire national, en temps de paix. La zone abrite en effet à Doha (Qatar), le poste de commandement opérationnel du Cent Com (le commandement central américain) dont la compétence s’étend sur l’axe de crise qui va de l’Afghanistan au Maroc, et, à Manama (Bahreïn), le quartier général d’ancrage de la Vme flotte américaine dont la zone opérationnelle couvre le Golfe arabo-persique et l’Océan indien. En complément, l’Arabie saoudite abrite, elle, une escadrille d’AWACS (Air borne warning and control system), un système de détection et de commandement aéroporté, dans la région de Riyad. Le Royaume est en effet le seul pays au Monde à abriter des radars volants américains en dehors des Etats-Unis, indice qui témoigne de l’importance accordée par les Etats-Unis à la survie de la dynastie Wahhabite. Le Koweït, très dévoué à son libérateur, fait office de zone de pré positionnement et de ravitaillement à la gigantesque infrastructure militaire américaine en Irak, le nouveau champ d’expérimentation de la guerre moderne américaine dans le Tiers-monde. S’y ajoutent, derniers et non les moindres des éléments du dispositif, Israël, le partenaire stratégique des Etats-Unis dans la zone, la base aérienne britannique de Massirah (Sultanat d’Oman), et, depuis janvier 2008 la plate forme navale française à Abou Dhabi, face à l’Iran.
Près de quarante ans après l’indépendance de la côte des pirates et le redéploiement britannique à l’Est de Suez, en 1970, les principautés du Golfe vivent de nouveau sous protectorat de fait de leurs anciens tuteurs, en une sorte de «servitude volontaire». Se superposant à la compétition inter régionale entre l’Iran et l’Arabie saoudite sur fond de rivalité religieuse entre les deux branches de l’Islam, le sunnisme et le chiisme, la nouvelle guerre du Yémen se greffe à la piraterie maritime aux larges de la Somalie ainsi qu’aux conflits tribaux endémiques du Yémen, au trafic des armes, du carburant et de la drogue, particulièrement lucratif dans la corne de l’Afrique.
Le phénomène corrosif du qat
Spécialité corrosive, le Qat ou «l’or vert» explique une part du comportement de la population de la zone. 96% des hommes Yéménites en consomment et 70% des femmes entraînant des conséquences dramatiques sur la société yéménite avec son cortège de dépendance, de disparition de la diversité agricole (café, riz, blé, légumes). Ses effets nocifs sur la santé, au niveau cardiaque et dentaire, le manque d’appétence et les carences alimentaires qui en découlent sont d’autant plus dangereuses que la consommation précoce commence à l’age de onze ans. Dix neuf pays cultivent le Qat, consommés de nos jours par plus de cent millions de personnes, principalement au Yémen,à Djibouti, en Somalie et en Ethiopie. Aux conséquences humaines, écologiques, économiques, s’ajoutent des conséquences politiques: la corruption et la mendicité. La consommation moyenne du yéménite en Qat s’élève à 500 à 800 Rials par jour, pour un salaire moyen de 15000 Rials par mois. Sont ainsi posées les bases pour le développement de la corruption, qui a atteint un degré tel, que l’état ne dispose plus de moyens d’action. 80% du budget de l’état proviennent des recettes du Qat. Malgré un ancrage officiel dans le camp occidental et une coopération pour le contrôle de ses côtes, le pays reste un foyer d’instabilité. Les pays occidentaux et les Saoudiens redoutent de voir Al-Qaida étendre son influence, profitant de l’insurrection qui se développe dans le nord du Yémen, de loin le pays le plus pauvre de la péninsule arabique.
Références
1 – le dispositif de lutte contre la piraterie maritime comporte :
Une vingtaine de bâtiments de guerre présents en permanence dans le Golfe d’Aden, ou en patrouille le long des côtes somaliennes, au titre de plusieurs opérations:
-l’EUNAVFOR («Atalanta»), lancée par l’Union européenne en décembre 2008, à l’initiative de la France et de l’Espagne. Vingt-deux Etats participent à Atalanta, dont onze ont envoyé des moyens sur place. Depuis décembre 2008, trente-trois frégates ou corvettes, quatre navires ravitailleurs et de commandement, et cinq avions de patrouille maritime se sont succédé. Au début décembre 2009, neuf navires, deux avions de patrouille et deux mille marins sont «sur zone», pour la seule opération de l’Union européenne.
Selon des chiffres cités au cours d’un colloque «La piraterie, menace stratégique ou épiphénomène », organisé le 7 décembre dernier à Paris par la Fondation pour la recherche stratégique, le budget de l’opération Atalanta serait de 230 millions d’euros pour l’année 2009. Tel est le coût, pour l’Union européenne, de la sécurisation d’une route d’importance stratégique, à l’entrée de la mer Rouge.
Mais ce chiffre ne représente ni l’amortissement des matériels, ni la formation et les salaires des personnels, pas plus que les dépenses consenties par les marines sous leur pavillon national.
– la TF 150, à l’origine, une «task force» multinationale à dominante américaine effectuant de l’antiterrorisme (Enduring freedom, Antiterror) ;
– Ocean Field, une force navale provisoire de l’Otan, prélevée sur des groupes en manoeuvre dans l’océan Indien;
-Des unités détachées par les marines nationales des USA, de Russie, Inde, France, Chine, Egypte, Australie, Malaisie, etc. pour des missions limitées.
Du mois d’avril 2008 à Décembre 2009, six cents treize pirates présumés ont été interpellés en mer. Une quarantaine ont été tués. Deux cents quatre-vingt dix-neuf d’entre eux ont été remis à la justice d’un pays riverain, en vertu d’accords de transfèrement. 110 remis aux autorités du Kenya, trente huit aux Seychelles, quarante huit au Yémen,