Liban / Saad Hariri : La fin sans gloire d’un héritier problématique d’une dynastie éphémère
La gestion calamiteuse de l’héritier du clan Hariri : Le falot sunnite face à une légende vivante chiite de l’histoire…
La gestion calamiteuse de l’héritier du clan Hariri : Le falot sunnite face à une légende vivante chiite de l’histoire contemporaine. L’annonce, lundi 24 janvier, par l’ex-Premier ministre libanais Saad Hariri de son retrait de la vie politique s’apparente, malgré les trémolos dans sa voix, à une désertion. En 17 ans de pouvoir (2005-2022) à la tête du clan, Saad Hariri a dilapidé le capital de sympathie hérité de son père, de même que son propre capitale financier, réduisant son bilan à une double faillite retentissante gouvernementale et financière.
Le discours d’investiture.
Le signal a été donné dès le départ avec son discours d’investiture. Affligeant spectacle et consternant. Quiconque aura assisté au discours d’investiture du plus jeune premier ministre de l’histoire du Liban, Saad Hariri, avait l’impression d’assister à un cours de lecture pour adulte analphabète. Égrenant avec difficulté des phrases écrites en gros caractères, l’homme était manifestement à la peine, au point que, faussement charitable, le président de l’Assemblée nationale libanaise, Nabih Berri, lui proposera, non sans malice, l’aide d’un lecteur confirmé.
Sa mandature gouvernementale: un gouvernement off shore.
Sa mandature gouvernementale a constitué, c’est là son unique titre de gloire, une rare contribution à la science politique contemporaine. Le premier cas dans l’histoire d’un gouvernement par télécommande (remote control), dans la double acception du terme, un gouvernement téléguidé par ses commanditaires saoudiens, dont il répercute les consignes par télécommande, depuis son lieu d’exil, à ses collaborateurs délocalisés au Liban.
De la fuite comme mode de gouvernement: «Le planqué de Beyrouth».
Grand vainqueur des élections législatives qui ont suivi le retrait syrien du Liban, en juin 2005, l’homme en guise de baptême de feu, désertera le champ de bataille durant la guerre destructrice d’Israël contre son pays, en juillet 2006.
Il traînera alors comme un boulet le sobriquet de «planqué de Beyrouth» par allusion à son exil de six semaines hors du Liban durant les bombardements aériens israéliens, alors qu’en sa triple qualité de député, chef de la principale formation politique de Beyrouth et héritier du rénovateur de la capitale libanaise, sa présence sous les bombes aux côtés de ses électeurs et néanmoins compatriotes aurait eu valeur d’exemple, l’exemple du courage dans l’adversité. Son retour à bord d’un appareil de l’armée française a accrédité l’idée d’un homme revenu au pouvoir dans «les fourgons de l’étranger».
Cet ambitieux sans substrat intellectuel récidivera à trois reprises, notamment lors de la séquence du «printemps arabe», au début de la décennie 2010. Chef de gouvernement dûment investi mais quasiment absent du siège de son pouvoir, il ne fera escale qu’entre deux voyages, gérant à distance un pays pourtant considéré comme l’épicentre d’une zone névralgique.
Le sabordage de l’héritier du clan.
L’annonce, lundi 24 janvier, par l’ex-Premier ministre libanais Saad Hariri de son retrait de la vie politique s’apparente, malgré les trémolos dans sa voix, à une désertion.
Mais cette décision qui pourrait provoquer le morcellement de la communauté sunnite, abandonnée à son sort, n’a pas pour autant suscité d’émotions particulières. Elle n’a pas surpris grand monde tant sa prestation gouvernementale a été piteuse tout au long des 17 ans de son magistère sunnite. L’ex-Premier ministre avait les traits tirés, la mine fatiguée et les larmes aux yeux lorsqu’il a fait son annonce devant une poignée de membres de sa famille et de cadres de son parti, avant de prendre l’avion pour Abou Dabi, où il réside en ce moment, signifiant à tous que la page était déjà tournée.
«Il n’y a aucune opportunité positive pour le Liban à l’ombre de l’influence iranienne, de la confusion sur le plan international, des divisions internes, de la montée du communautarisme et de l’effondrement de l’État. »
Son retrait de la vie politique libanaise: L’influence iranienne, exclusivement ?
Un Amnésique
Amnésique, Saad Hariri a attribué son échec à l’influence iranienne, occultant l’ostracisme dont il a été frappé par son Maître saoudien, sa gestion hasardeuse des affaires de l’état, de même que les nombreuses forfaitures de son clan durant sa mandature.
Piqûre de rappel des plus célèbres forfaitures de son clan :
Un an après la succession de son père, l’ignominieuse accolade de Fouad Siniora à Condoleeza Rice en pleine agression israélienne de Beyrouth, en 2006, discréditera le premier ministre de l’époque en ce que la secrétaire d’état représentait les États Unis, un pays complice d’Israël dans la guerre de destruction de Beyrouth, en 2006.
L’affaire de réseau des télécommunications du Hezbollah
Fouad Siniora ruminera sa vengeance. Pour redorer son image auprès de ses mentors occidentaux et saoudien, l’ancien comptable de son mentor Rafic Hariri tentera de couper les communications stratégiques du Hezbollah , un an plus tard, en 2007, en vue de faciliter une nouvelle attaque israélienne, destinée à compenser le revers de 2006.
En prévision de cette opération, son ministre des télécommunications, Marwane Hamadé, se rend à Paris auprès de Bernard Kouchner, le transfuge socialiste ministre des Affaires étrangères, pour lui soumettre le plan consignant l’ensemble du réseau du Hezbollah. Une démarche nullement anodine mais visant un double objectif :
Obtenir la caution de la France à l’époque présidée par Nicolas Sarkozy, un philo-sioniste notoire, au coup de force du gouvernement libanais et d’une manière adjacente informer indirectement les Israéliens du dispositif de la formation chiite.
Circonstance aggravante, une mystérieuse néerlandaise gravitait dans le périmètre du ministère, dont M. Marwane Hamadé en avait la Tutelle: Inneke Botter, ancien cadre supérieur de la succursale hollandaise de la firme française Orange et partenaire de la société libanaise. Proche de la Mafia israélienne opérant en Europe centrale notamment en Géorgie et en Ukraine, elle a été démasquée par les services de renseignements russes. Elle disparaîtra des radars, sans doute sous l’effet d’une mystérieuse évaporation. Une exfiltration ?
Pareille forfaiture aurait été passible partout ailleurs de la Cour Martiale. Pas au Liban. Mais Beyrouth est un vaste cimetière de traîtres, en ce que ce bilan macabre n’a apparemment pas découragé les vocations tant cette activité périlleuse s’est révélée lucrative.
La manœuvre de Fouad Siniora visait à contraindre le Hezbollah de recourir au téléphone filaire de l’État Libanais ou de l’un de ses trois réseaux mobiles, tous contrôlés par les services israéliens.
Une décision considérée comme un « casus belli’ par le Hezbollah qui pour se dégager du nœud coulant dressé autour de son cou, passe à l’attaque, le 7 Mai 2008.
En une demi journée, le Hezbollah s’emparera d’édifices publics et des domiciles privés des officiels libanais. Il désarmera les services de sécurité de l’État, neutralisant un bunker situé sous l’ancien siège de la Télévision du Futur, propriété de la famille Hariri, qui abritait un centre opérationnel des forces anglo-saxonnes et de la Jordanie.
Hasard ou préméditation? Marwane Hamadé fera l’objet d’une tentative d’assassinat et son neveu, le journaliste Gébrane Tuéni, Directeur du quotidien libanais «An Nahar», tué dans un attentat à la voiture piégée, en 2005.
https://www.renenaba.com/gebrane-tueni-martyr-du-journalisme-de-complaisance/
La séquestration au Ritz Carlton
Fait sans pareille dans les annales diplomatiques internationales, Saad Hariri a été séquestré, dix ans plus tard, en 2017, en Arabie saoudite par le Prince héritier Mohamad Ben Salmane dans l’affaire dite du Ritz Carlton, lequel s’est appliqué à démanteler méthodiquement son empire financier Saudi Oger en guise de châtiment à sa déloyauté.
Le Hezbollah et le président Michel Aoun exigeront sa libération tandis que son propre frère aîné Bahaeddine, de même que ses alliés politiques, notamment Achraf Riffi, son ancien factotum à la tête des Forces de Sécurité Intérieure et Samir Geagea, chef des Forces Libanaises, faisaient des offres de service à son geôlier….
Particulièrement malvenue la trahison de Samir Geagea, le fossoyeur du leadership chrétien et le mercenaire émérite, –des Israéliens d’abord, des Saoudiens ensuite–, celui-là même que le clan Hariri avait sorti de prison, en 2005, dans la foulée de l’assassinat du père fondateur de la dynastie éphémère.
Tuile supplémentaire: Le licenciement de plusieurs centaines d’employés de sa firme Saudi-Oger, sans indemnités réglementaires, en projetant des familles entières de son électorat traditionnel dans la précarité, -sur fond de galipettes tarifées d’une beauté sud africaine–, a donné une idée aiguë des préoccupations sociales, sociétales et humanitaires de l’homme en charge du destin de la communauté sunnite libanaise face à son rival chiite, une légende vivante de l’histoire contemporaine, à la tête d’un des plus prestigieux mouvements de libération du Tiers-monde à l’instar du FN vietnamien, des «barbudos» cubains ou du FLN algérien.
Rare cas de renonciation volontaire à la carrière politique dans le marigot libanais, ce sabordage télévisuel a constitué un suicide politique en direct, survenu de surcroît -circonstance aggravante- alors que le Liban a été transformé en un champ de ruines du fait de ses parrains, et pour une large part du fait de sa gestion et de celle de sa coterie;
Un blast à un moment charnière de l’histoire de la région, alors que l’Iran chef de file du groupe contestataire à l’hégémonie américano-israélo-saoudienne, parvenait à se doter du statut d’«État du seuil nucléaire» en dépit d’un embargo de plus de 40 ans; que ses alliés tenaient la dragée haute: le Hezbollah à Israël au sud-Liban, le Hamas et le Jihad Islamique à Gaza, les Houthistes au Yémen face à l’Arabie saoudite et à Aboud Dhabi; enfin le Hached As Shaabi, en Irak, face aux supplétifs des Américains, les Kurdes et une fraction du leadership sunnite inféodé à la dynastie wahhabite.
L’assassinat de Rafic Hariri, première manifestation de la softwar occidentale contre le Liban
L’assassinat de Rafic Hariri a provoqué le retrait syrien du Liban et la libération de Samir Geagea, l’ancien chef des milices chrétiennes et un des grands criminels de la guerre civile libanaise, sous la pression d’un mouvement populaire initié par les ONG occidentales, première manifestation directe de la Softwar occidentale dans la stratégie du «regime change» initiée par les grandes fondations philanthropiques américaines.
Dans cette perspective, Rafic Hariri, le milliardaire libano-saoudien, ancien partenaire de la Syrie, reconverti en fer de lance du combat anti-baasiste, est apparu rétrospectivement comme une victime majeure du discours disjonctif occidental, discours prônant la promotion des valeurs universelles pour la protection d’intérêts matériels, discours en apparence universel mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des intérêts particuliers des États et des dirigeants.
Il en a été de même pour son héritier. Porteur de la double nationalité libanaise et saoudienne, le saoudien Saad Hariri a été renvoyé par son employeur saoudien, tel un laquais qu’il a toujours été à leur égard.
Dommage collatéral de la nouvelle version de la Softwar occidentale contre le Liban en vue d’obtenir le désarmement du Hezbollah, la fin pitoyable de Saad Hariri illustre de manière symptomatique les dangers d’une aliénation absolue et inconditionnelle à un état étranger d’un chef de gouvernement dont la mission première est la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de son pays.
La biologie comme mode d’accession au pouvoir, le Liban, ses combats, son Histoire, tout comme l’Islam sunnite méritent mieux que cela. Les lois de l’hérédité permettent une accélération de carrière. Elles n’ont pas vocation à doter son bénéficiaire d’une compétence innée, ni de le prémunir forcément de toute médiocrité.
La biologie comme mode d’accession au pouvoir, le Liban, ses combats, son Histoire, tout comme l’Islam sunnite méritent mieux que cela. Les lois de l’hérédité permettent une accélération de carrière. Elles n’ont pas vocation à doter son bénéficiaire d’une compétence innée, ni de le prémunir forcément de toute médiocrité.
Illustration
Former Lebanese prime minister Saad Hariri speaks during a news conference at his home in downtown Beirut, Lebanon, on Monday
© Wael Hamzeh/EPA-EFE/Shutterstock