Sunday, October 13, 2024
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Le bilan du premier septennat de François Mitterrand

Paris – Sous le premier septennat de François Mitterrand, la France a recentré sa politique au Moyen-Orient. Avec sa visite…

Par : René Naba - dans : Flashbacks France - le 1 mai 1988

Paris – Sous le premier septennat de François Mitterrand, la France a recentré sa politique au Moyen-Orient. Avec sa visite en Israël, François Mitterrand, premier chef d’état de l’Europe occidentale à s’y rendre depuis sa création en 1948, a ainsi levé un ostracisme des dirigeants français vieux de douze ans à l’égard de l’Etat hébreu. Pour compenser cela, le gouvernement socialiste a opéré dans le Golfe un rapprochement avec l’Irak en guerre contre l’Iran.

Mais cette double opération, perçue au sein de l’opinion arabe comme un alignement sur la diplomatie américaine, a place la France en porte à faux avec le noyau dur du Monde arabo-musulman (Iran,Syrie, Libye), la désignant, au même titre que les Etats-Unis, à la vindicte des groupuscules clandestins anti-occidentaux.

Quatre vingt douze français (92) tués au Liban entre 1981 et 1987, dont un ambassadeur, 115 blessés onze ressortissants pris en otages, une ambassade endommagée et un PC militaire (le Drakkar) détruit à Beyrouth: tel est le lourd tribut payé par la France dans la tourmente du Moyen-Orient, pour une politique qui se voulait «spécifique», à défaut d’être indépendante du concert occidental.

Avec le retour de M. Jacques Chirac au pouvoir, en mars 1986, et malgré le souci du premier ministre gaulliste de régler le lourd contentieux entre Paris et Téhéran, cette politique a continué de faire le consensus entre la majorité et l’opposition.

Pourtant pour les Socialistes, l’objectif initial apparaissait relativement modeste. Il s’agissait de préserver une «expression autonome» tant des Libanais que des Palestiniens hors de toute tutelle syrienne ou israélienne.

Aux côtés du Président François Mitterrand, généralement considéré comme un «grand ami d’Israël», et peu averti à l’époque des complexités du Monde arabe et de ses profonds ressentiments, M. Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures, s’emploiera parfois à contre-courant de l’opinion, à donner une nouvelle image des Socialistes au Moyen-Orient.

C’est que revenus au pouvoir après une éclipse de près d’un quart de siècle, ceux-ci avaient à surmonter un lord handicap, séquelle de la Guerre d’Algérie et de l’expédition de Suez, en 1956 . Ils y réussiront par moments, tout en s’engageant d’une manière plus active au Liban que leurs prédécesseurs.

Le Président Mitterrand peut ainsi se targuer d’avoir joué un rôle de premier plan dans les rares succès diplomatiques de l’époque : le sauvetage de Yasser Arafat, chef de l’Olp, à deux reprises, à Beyrouth, en 1982, contre les Israéliens, à Tripoli (Nord-Liban), en 1983, contre les Syriens, ainsi que l’échange de prisonniers palestiniens et israéliens à la même époque.

La France et le Moyen Orient : Le Bilan du premier septennat, (flt deux dernier)

Paris- Mais très vite la France va se retrouver à contre-courant du noyau dur du Monde arabo-musulman.

L’intervention de la Force multinationale occidentale au Liban, survenant dans la foulée de l’invasion israélienne de Beyrouth, en juin 1982, des retrouvailles franco-israéliennes et de l’annexion du Golan par Israël est ainsi apparue à ses adversaires comme une «nouvelle croisade occidentale» en faveur des Chrétiens Libanais.

Perçue comme étant à la remorque de l‘Amérique, la France va être au même titre que les Etats-Unis la cible d’attentats sanglants. Elle a été combattue d’autant plus vivement que l’intervention occidentale au Liban s’est accompagnée d’un soutien plus net de la France à l’Irak.

L’organisation clandestine «Jihad islamique» fera son entrée dans l‘histoire le 23 octobre 1985 avec le double attentat contre le quartier général français à Beyrouth, le Drakkar, et le quartier général américain au cours duquel 218 soldats américains et 58 soldats français trouveront la mort.

Schématiquement, les observateurs distinguent deux périodes de la diplomatie socialiste au Liban: la première, la phase active d’engagement correspond globalement à la présence au Quai d’Orsay de m. Claude Cheysson, la seconde, plus discrète voire plus distante, à celle de M. Roland Dumas. Le tout entrecoupé d’une phase d’apaisement ou Paris cherchera à parachever le retrait militaire de la France au Liban et au Tchad et à prendre langue avec la Syrie et l’Iran, les grands oubliés des premières années du septennat.

Le gouvernement de M. Jacques Chirac, sans modifier fondamentalement les orientations de la diplomatie française au Moyen-Orient, lui apportera quelques retouches. Mettant en sourdine les professions de foi pro palestiniennes de ses prédécesseurs et donnant un coup de barre en direction des Chrétiens du Liban, point d’ancrage traditionnel du Français dans le Monde arabe, il s’attelle surtout à la normalisation des relations entre Pairs et Téhéran.

Après un début prometteur qui se traduira notamment par la libération de Philippe Rochot et Georges Hansen, en juin 1986, une vague d’attentats secoue Paris en septembre de la même année. Cependant, le processus de libération des otages se poursuit en novembre et en décembre jusqu’au durcissement de 1987. La tension entre les deux pays débouchera même, en juillet 1987, sur la «guerre des ambassades» et la rupture des relations diplomatiques entre la France et l’Iran.

La crise franco-iranienne se double d‘une crise internationale avec l’envoi dans le Golfe des bâtiments de la marine de guerre des pays occidentaux pour militer les débordements de la guerre irako-iranienne sur la navigation dans la voie d’eau.

Tirant les enseignements de la Force Multinationale occidentale, Paris ‘est soucié cette fois de ne pas apparaître comme ayant partie liée avec Washington, assurant que la présence de sa flotte à l’embouchure du Golfe avait pour mission exclusive de protéger les bâtiments français empruntant cette voie maritime.

La libération de deux nouveaux otages français au Liban, Jean Louis Normandin et Roger Auque, fin novembre 1987, a relancé, à cinq mois des élections présidentielles françaises, une nouvelle phase de normalisation sans qu’il soit possible d’assurer que cette décrispation débouchera sur une normalisation complète, qui, selon Paris, demeure tributaire notamment de la libération des trois derniers otages français du Liban.