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Le défi de Narendra Modi : Le XXIe siècle, le siècle de l’Inde ? 2/2

Publié en partenariat avec le site madaniya.info Face au Monde indien et l’Océan indien, le Monde arabe et l’Arabian Sea…

By René Naba , in Analyse Inde , at 12 septembre 2014

Publié en partenariat avec le site madaniya.info

Face au Monde indien et l’Océan indien, le Monde arabe et l’Arabian Sea

L’extension de la zone OTAN et de la zone Euroland à proximité des frontières orientales du Monde arabe, la lourde tutelle militaire atlantiste sur la zone pétrolifère du Golfe ont retenti comme un avertissement et devraient impérativement inciter les pays arabes à prendre exemple sur les Européens en vue de surmonter des divisions bien moins importantes que ne le furent les rivalités entre l’Allemagne et la France, à l’origine des deux guerres mondiales du XX me siècle et de la relégation consécutive du continent européen au classement mondial des nations.

Zone de transition entre l’Asie et l’Europe, dont il constitue l’arrière-plan stratégique, au point de confluence des grandes voies de communication internationales, sur la route du pétrole, le Monde arabe, cœur historique du monde musulman, borde le flanc méridional de l’Union européenne sur une façade maritime de 12 000 km de la Mauritanie, via Gibraltar (Maroc) à Lattaquié (Syrie). Vaste réservoir humain, il demeure malgré sa fragmentation actuelle et la multiplication des bases américaines sur son sol, une zone stratégique de première importance. En témoignent, les combats en Syrie, en Irak, en Palestine, ainsi qu’au Liban, qui constituent autant de champ de confrontation à l’hégémonie israélo-américaine.

Dans cette perspective, la constitution d’un ensemble homogène agrégeant la Ligue arabe aux anciens maîtres de l’axe continental de la route des Indes, (Turquie, Iran) créerait une instance géopolitique intermédiaire de 450 millions de personnes, à l’effet de faire la jonction entre l’ensemble européen, la Russie et l’immensité asiatique représentée par l’Inde et la Chine. Un ensemble en mesure de doter la zone d’un seuil critique en vue de peser sur le cours de l’Histoire.

Le retour de l’Iran sur la scène internationale et l’ouverture de l’Arabie saoudite vers l’Inde et la Chine

Depuis le rapprochement Iran-États Unis, consécutif à l’élection du président iranien Hassan Rohani et des revers militaires de la coalition islamo-atlantiste en Syrie, à l’automne 2013, l’Arabie  se donne des gages en s’ouvrant aux grands d’Asie : Indonésie et Pakistan, deux grands pays musulmans, certes, mais aussi l’Inde et la Chine.

Arabie saoudite / Indonésie

L’Indonésie et l’Arabie Saoudite ont signé le 26 janvier 2014 un accord de coopération de défense, premier accord militaire entre ces deux pays portant notamment sur la formation en matière antiterroriste. Les industries de défense saoudienne et indonésienne doivent également, dans ce cadre, accroître leurs échanges. Concrètement, les Forces Spéciales saoudiennes et indonésiennes doivent organiser des exercices conjoints. Pour l’Indonésie, il s’agit de la coopération la plus forte avec un pays du Moyen-Orient. Le pays entretenait déjà des relations diplomatiques avec Riyad depuis 1950. L’Arabie Saoudite a en outre intensifié ses relations avec le Pakistan. Riyad est effectivement intéressé par le chasseur JF-17, de conception sino-pakistanaise. Islamabad a déjà proposé un contrat de vente à l’armée de l’air saoudienne incluant des transferts de technologie et une clause de production en Arabie Saoudite.

Arabie saoudite / Chine

L’Arabie saoudite et la Chine ont scellé une nouvelle alliance dans le domaine énergétique qui risque de mettre en péril l’hégémonie du dollar en tant qu’instrument de paiement mondial. La gigantesque raffinerie de Yanbu en Arabie Saoudite, construite pour répondre à la demande chinoise de pétrole saoudien, sera opérationnelle en 2014.

Ce qui permettrait à la Chine de supplanter les États-Unis en termes d’achat de pétrole en Arabie Saoudite avec plus de 1,39 million de barils par jour. Avec une demande de cette ampleur, la Chine risque bien d’avoir les moyens de remettre en cause l’accord passé en 1973 entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis et qui impose le dollar comme seule monnaie d’échange pour acheter du pétrole. Car, comme le signale un récent article du China Daily, la nouvelle raffinerie, qui aura une capacité de 400 000 barils par jour, est bien financée en partie par la Chine puisqu’elle est détenue à 62,5 % par Saudi Aramco, la société nationale de l’Arabie Saoudite, et à 37,5 % par Sinopec, l’entreprise d’hydrocarbure chinoise. Sur le plan militaire, parallèlement à la coopération énergétique, l’Arabie saoudite a multiplié ses achats d’armes balistiques à la Chine.  L’accord  comprend des missiles DF-21, plus sophistiqués que les missiles DF-F31. La médiatisation de l’achat de ces missiles est jugée par les analystes comme une tentative d’intimidation contre l’Iran dans le bras de fer engagé par Riyad contre Téhéran.

Arabie saoudite / Inde

Parachevant cette architecture, un accord de partenariat entre l’Inde et l’Arabie saoudite a été conclu, en Février 2014, visant à développer les échanges économiques entre le royaume saoudien et l’adversaire historique du Pakistan, signe indiscutable d’une modification du climat psychologique entre les deux pays et des rapports de force internationaux.

L’Océan Indien est bordé à ses embouchures par The Arabian Sea  (la mer d’Oman)  et le Golfe persique. A ses deux extrémités se déploient deux des plus importantes agglomérations indiennes hors du territoire national, le duo Abou Dhabi Doubaï, deux des plus gros partenaires commerciaux de l’Iran et de l’Inde, ainsi que l’Afrique du sud, dont la communauté indienne a joué un rôle majeur dans le combat contre l’Apartheid en faveur de l’indépendance de l’Union sud-africaine.

Le curieux destin des dynasties fondatrices de l’Inde et du Pakistan

Curieux cheminement, curieux destin que celui des deux dynasties fondatrices de l’ancienne Union Indienne, les Nehru Gandhi d’Inde et les Bhutto du Pakistan, qui revendiquent l’un comme l’autre un tragique bilan mortifère, les propulsant au  premier rang du martyrologe planétaire avec l’un comme l’autre, quatre martyrs : Pour l’Inde, Mahatma Gandhi (1948), apôtre de la non-violence et artisan de l’indépendance de son pays, Indira Gandhi assassinée par son garde de corps sikhs, (1984), Rajiv par un séparatiste tamoule (1991) sans compter l’accident d’avion de l’ainé de la fratrie Sanjay, fils cadet d’Indira et son successeur désigné, qui disparaît brutalement le 23 juin 1980  dans un accident aérien. Pour le Pakistan, le chef du clan Zulficar Ali Bhutto, pendu par les militaires, (1973) et ses trois enfants, sa fille Benazir et ses deux fils Mourtada et Shahnaz). Un martyrologe sans doute unique au Monde. Ce tribut de sang incitera-t-il les deux pays à enterrer la hache de la guerre et à amorcer un rapprochement qui ferait du sous contient indien la plus importante plateforme démographique du Monde, un bloc géopolitique autonome englobant deux des principales références spirituelles de l’époque contemporaine, l’Hindouisme et l’Islam, par un dépassement du contentieux ethnico religieux, qui a atteint son paroxysme symbolique avec la destruction des Bouddhas de Bamyan ?

Le retour de l’Egypte sur la scène régionale arabe après une éclipse de trente ans résultant de la vassalisation de l’Egypte du tandem Sadate Moubarak à l’ordre israélo américain, relancera-t-il la veille alliance Le Caire New Delhi, si bénéfique pour la promotion du tiers-monde dans les arènes internationales dans la décennie 1960 ?

Ou l’Inde a-t-elle définitivement opté pour sa nouvelle alliance avec Israël, dans la foulée de l’instrumentalisation de l’Islam wahhabite comme arme politique, matérialisée par la propulsion des talibans, destructeurs des Bouddhas de Bamyan ?

L’Inde en solo, en duo ou en Trio ? Autrement dit, le BRICS saura-t-il compenser par son efficacité l’ampleur numérique des Non-alignés ? Doter cet ensemble contestataire à l’ordre hégémonique occidental d’une masse critique à l’effet d’induire une nouvelle multipolarité internationale ? Ce contexte géographique sous-tend une conjonction hautement géostratégique. Entre L’Inde et le Monde arabe, lequel des deux termes de l’alternative primera : Divergence ou convergence ? Entre l’Océan indien, le Golfe persique et l’Arabian Sea, lequel des deux termes prévaudra, la complémentarité ou la rivalité ?

Le basculement stratégique opéré au sein de la géo-économie mondiale du fait du l’irruption de Fonds souverains arabes dans le capital des grandes firmes occidentales a certes témoigné de l’intrépidité des investisseurs arabes dans leur souci de diversifier leur économie, mais il a désigné les pétromonarchies arabes comme le bouc émissaire idéal de la faillite du système financier occidental, et révélé du même coup leur vulnérabilité, du fait de leur configuration.

Le nombre des travailleurs asiatiques dans le golfe est estimé à quinze millions de personnes, soit près de la moitié de la population de la zone, selon un rapport du secrétaire général du Conseil de Coopération du Golfe, Jamil Hujeilane soumis au dernier sommet des dirigeants du Golfe, en 2008. La situation des Emirats est, à cet égard, caricaturale. Les immigrés y représentent 85 pour cent de la population totale. Sur 3,8 millions d’habitants, les nationaux ne sont que le 3me groupe de population (640.000), bien après les Indiens (1,2 millions d’habitants) qui sont sur ce point à égalité avec les Pakistanais. Toutes nationalités confondues, les asiatiques représenteraient près de 60 pour cent de la population totale du Golfe et un pourcentage largement plus élevé que la population active.

Une constellation de micro-états balançant entre gigantisme économique et nanisme politique, faisant face à un triple péril résultant de leur trop grande dépendance vis-à-vis de la main d’œuvre étrangère, de leur trop grande dépendance militaire vis à vis des Etats-Unis d’Amérique et des incessantes frasques monarchiques au point d’accentuer le discrédit et de fragiliser les six pétromonarchies du golfe. Le nouvel ambassadeur d’Inde auprès des Emirats s’émerveillait lors de sa présentation de ses lettres de créance, en avril 2008, que « Abou Dhabi et Doubaï soient les deux plus jolies villes indiennes du Monde », dans un hommage indirect à la contribution de ses concitoyens. Parallèlement, un haut responsable de la police du Golfe, voulant secouer la torpeur des dirigeants pétro monarchiques, n’a pas hésité à braver l’interdit qui frappe ce sujet tabou en prédisant l’élection à moyen terme d’un Indien à la présidence de la Fédération des principautés du Golfe : « Barack Obama n’est que le prélude à un vaste changement de la climatologie politique planétaire qui verra un indien se porter, à moyen terme, candidat à la présidence de la Fédération » a lancé le général Dhafi Khalfane, chef de la police de Doubaï, devant un auditoire médusé, lors d’un « Forum de l’identité nationale » tenu à Abou Dhabi en avril 2008.

Avec une croissance en chute de 4 points en deux ans (de 9 % à moins de 5 %), un chômage de masse, l’Inde, puissance mondiale reconnue, se bunkerisera-telle sous l’égide de l’« Hindouiste extrême », Narendra Modi pour devenir un bastion hindouiste face au couple wahhabite AF-PAK (Afghanistan Pakistan), ou surmontant ses pulsions mortifères se mutera en  exemple de coexistence pour transformer le pari de son nouveau chef de  faire du « XXIe siècle le siècle de l’Inde ».

A l’ère des grands ensembles du Bric au Mercosur en passant par le dernier venu sur la scène internationale, le MITKA (Mexique, Indonésie, Corée du Sud, Turquie, Australie), alors que l’Inde aspire à devenir un membre permanent du Conseil de sécurité, l’Inde et ses grands voisins musulmans (Pakistan, Arabie Saoudite) sauront-ils surmonter la blessure résultant de la folie de Bamyan pour offrir au Monde, dans la veine du neutralisme politique, un bel exemple d’œcuménisme trans-religieux afin de transformer le périmètre Océan indien-Golfe persique, Arabian Sea, en une ère de coopération. Une zone de convergence en dépit des divergences ? L’Islam wahhabite demeurera-t-il un handicap ou mutera-t-il en atout ? Œcuménisme ou sectarisme ? Autrement dit, la coopération Sud-Sud prendra-t-elle le pas sur le rapport Nord-Sud, le traditionnel rapport de dominant à  dominé ?

Références
Illustration

Photographed from the International Space Station 06:58 GMT March 28, 2012. https://www.flickr.com/photos/fragileoasis/7059805069/

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